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Critique de ladymuse


C'est la première fois que je lis des nouvelles de Christina Mirjol et je suis littéralement saisie. le souffle coupé. Essoufflée comme après avoir couru.
Les mots s'y bousculent en cascade dans des structures complexes dans lesquelles l'histoire avance par vagues qui viennent se retirent et reviennent.

Grâce une répétition de mots, ou de phrases entières qui s'entrechoquent et se renvoient les unes aux autres, une grammaire complexe où les temps font fi des règles et brisent les repères, nous sommes ainsi secoués jusqu'à une chute qui nous donne un sentiment de stupeur.

Je pense en particulier à "Drôle de rire", récit très complexe , une saynète comme dit l'auteure elle-même, avec des retours en arrière constants, mais toujours revient la même phrase, "Marie-Louise est morte, elle me dit".
Le tour de force consiste à mélanger les époques, c'est à dire le passé et le présent, puis de revenir au drame comme s'il se passait au moment du récit. le lecteur doit faire des retours en arrière pour se maintenir à flot. de plus, le moment présent ( la "saynète) est lui-même figé absurdement, le cadre de la porte, la casserole.
"Elle est morte, je te dis...Pourquoi tu ris?" Et juste après "elle est morte, continuait ma mère, obsédée à présent par ma bouche de travers qui était tordue de rire". On voit ici comme ce lien complexe entre le temps de l'action, celui du récit, et celui du présent : où sommes nous? Maintenant? Il y a quarante ans?
Et puis on revient à un autre moment, celui d'un incident rapporté par la narratrice, sur une équipée à ski extravagante dont le souffle nous balaye dans une bourrasque de neige.
Et toujours le rire et une nouvelle fois "ce n'est pas une blague, d'être morte, dit Christiane".
Complexité aussi dans l'opposition entre le "narrateur" (dit Christiane) et le "je" de Christiane, hors dialogue, que l'on trouve à chaque pas : "Je regarde les yeux de ma mère qui me fixent ronds de stupeur".

Christina Mirjol fait passer avec force notre incrédulité devant le néant, la disparition. Notre incompréhension totale. Notre peur? Non, je ne pense pas.

Quelque chose m'a frappée en lisant cette nouvelle : j'ai entendu comme un écho des phrases de Thomas Bernhard avec leurs "rappels", tels que "dit-il", "c'est lui qui parle", ces phrases "tournantes".

"un jour, c'est lui qui parle, je serai broyé entre Bach d'une part et le Steinway d'autre part...A longueur de vie, j'ai peur d'être broyé entre Bach et le Steinway...L'Idéal serait que je sois Steinway, je pourrais me passer de Glenn Gould, dit-il".

J'espère ne pas en avoir trop dit. Lisez ces nouvelles, vous verrez à quel point elles sont fortes, dis-je.

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