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Critique de SergentPoivre


Enfin lu ce pavé de 1 400 pages !

Première observation : la traduction de 1938 n'est pas à la hauteur. Comment, pour ne citer qu'un seul exemple, « After all, tomorrow is another day », la célébrissime phrase qui conclut le roman, a-t-elle pu devenir « En somme, à un jour près… » ?!?
Deuxième observation : Margaret Mitchell descend d'une lignée de planteurs et d'officiers confédérés et sa nostalgie pour le Vieux Sud (qui n'était pas non plus dénué de tout charme malgré ses abus et sa rigidité) se fait sentir presque à toutes les pages. Il en résulte qu'elle a tendance à édulcorer l'esclavage, à dresser des portraits stéréotypés (et donc assez plats) des personnages noirs et à faire preuve d'une certaine complaisance envers la première émanation du Ku Klux Klan (actif plus ou moins pendant la période terrible dite de la « Reconstruction »). À noter toutefois que cette nostalgie et cette complaisance ne l'empêchent nullement de se montrer à plusieurs reprises très critique envers les Confédérés ou le KKK.
Troisième observation : certains personnages tiennent parfois des propos racistes. D'aucuns, surtout aux États-Unis, disent aujourd'hui que cela suffit à faire d'Autant en emporte le vent un roman raciste à bannir des bibliothèques et des écoles. Je ne suis pas d'accord sur ce point : comment Margaret Mitchell aurait-elle pu écrire un livre dont l'action se situe dans la Géorgie des décennies 1860-1870 sur fond de Guerre de Sécession sans qu'un seul Blanc ne tienne à un moment donné un propos raciste ?! Son roman aurait-il été crédible si les paroles ou les pensées qu'elle prête à certains de ses personnages avaient toutes été frappées au coin d'un politiquement correct qui n'existait pas à l'époque où se situe l'action (ni même à l'époque de la rédaction du roman) ? Si Margaret Mitchell est coupable de sympathie envers le Vieux Sud des planteurs et d'un indéniable paternalisme envers les Noirs, je ne la crois en revanche, à moins de lire son roman sans le remettre dans son contexte, absolument pas coupable d'avoir écrit un roman qui serait intrinsèquement raciste. Cette accusation me semble procéder d'un mal contemporain : l'hygiénisme culturel et intellectuel.

Cela étant posé, je ne sais vraiment pas quoi penser de ce roman. Je l'ai lu sans déplaisir mais, n'ayant pas réussi à m'identifier ou, tout au moins, à me sentir proche d'aucun des personnages, je ne suis pas certain de l'avoir aimé. Je lui reconnais cependant des qualités littéraires indéniables (il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas les reconnaître) : le souffle romanesque qui traverse et anime de bout en bout Autant en emporte le vent est tout bonnement exceptionnel ; d'autre part, le fait d'avoir réussi à écrire une aussi longue épopée autour d'un personnage détestable et, surtout, d'avoir réussi à transformer ce très détestable personnage en une héroïne aussi extraordinaire (sans s'embourber une seule fois dans un poisseux sentimentalisme) tient également de la prouesse peu commune. Aucun siècle ne produit probablement plus qu'une toute petite poignée de romans d'une telle trempe.

Bref, si vous ne l'avez pas déjà lu, lisez-le pour vous faire votre propre idée.
Et ne laissons jamais des bien-pensants, quel que soit le bord politique auquel ils appartiennent, nous dirent quoi lire et ne pas lire.
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