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Critique de Foxfire


Tout a été dit sur ce monument de la littérature. Il faut bien dire que ces derniers temps, lorsque ce roman est évoqué c'est plutôt sous l'angle polémique pour son caractère raciste. Bien entendu, je ne dis pas que la critique est injustifiée mais je ne suis pas adepte de la cancel culture. Je ne supporte pas l'idée qu'on me dise ce que je dois lire ou ne pas lire, je prends ça comme une remise en cause de ma capacité à appréhender le propos d'un texte. Je suis tout à fait capable de contextualiser une oeuvre. La lecture du roman de Margaret Mitchell est d'ailleurs passionnante et éclairante d'un point de vue historique et pour mieux comprendre les problèmes « raciaux » qui persistent aux USA. Par ailleurs, si les attaques en racisme à l'encontre du roman ne sont pas injustifiées, il serait regrettable de réduire « Autant en emporte le vent » à cette seule polémique. le livre de Margaret Mitchell, n'en déplaise aux tenants de la cancel culture, est un grand roman, une oeuvre majeure d'un point de vue littéraire. Ce serait tellement plus simple si seuls les artistes aux belles idées avaient du talent, ce serait tellement plus simple si seules les oeuvres moralement acceptables étaient bonnes. Mais ce n'est pas le cas dans la réalité. Pour citer un exemple, j'ai envie d'évoquer le film « Naissance d'une nation » de Griffith. Oui, ce film est idéologiquement nauséabond, tout à la gloire du Klu Klux Klan. Mais, d'un point de vue purement cinématographique, c'est une grande oeuvre dans laquelle Griffith fait montre d'une maîtrise de son art impressionnante et qui a changé la façon de filmer. Pour revenir au roman de Mitchell, non seulement il s'agit d'une oeuvre intéressante historiquement, mais en plus c'est un objet littéraire magistral et qui, si l'on est capable de contextualiser et de se défaire du malaise provoqué par certains propos, procure un vrai grand plaisir de lecture.

Pour appréhender le roman de Margaret Mitchell, il faut déjà avoir conscience que celle-ci est le fruit de son éducation et de sa culture. Mitchell est une femme du Sud dont l'enfance a été bercée par les récits de la Guerre de Sécession à laquelle ont pris part certains de ses ancêtres. Il ne faut pas oublier non plus que la voix de Mitchell est celle de quelqu'un appartenant au côté des vaincus. Ce n'est pas anodin. Il y a là une indéniable douleur, une inévitable rancoeur que les vaincus d'une guerre expriment dans leurs écrits. Même si la cause des Sudistes était indéfendable, je peux entendre cette peine qui s'exprime. Ce sont les vaincus qui voient leur monde s'effondrer et qui doivent s'adapter aux nouvelles règles sans y avoir été préparés. Sans vouloir excuser le parti pris du roman, je pense qu'il faut toujours essayer de comprendre. Il demeure que certains passages heurtent profondément lors de la lecture. L'auteure fait parfois preuve d'un simplisme rétrograde. C'est d'ailleurs assez surprenant lorsqu'on voit à quel point, sur d'autres aspects, le roman développe des propos modernes et qu'on pourrait qualifier de progressistes. En effet, « Autant en emporte le vent » peut être lu comme un roman féministe avant l'heure. le carcan moral et sociétal imposé aux femmes y est largement examiné et dénoncé. Scarlett est un personnage très moderne. Certes, elle est odieuse, égoïste, vénale et superficielle mais c'est aussi une femme qui ne veut pas se contenter du rôle auquel la société veut la réduire. Scarlett est une battante. Elle veut être maîtresse de sa propre vie, ce qu'elle s'appliquera à faire tout au long du récit. Elle fait souvent de mauvais choix mais ce sont ses choix à elle.

« Autant en emporte le vent » permet de se plonger dans la mentalité Sudiste et offre ainsi une occasion de mieux saisir certaines problématiques qui demeurent aux USA de façon singulière. Un roman historique passionnant et éclairant. Mais « Autant en emporte le vent » est avant tout un grand roman, une fresque d'une ampleur remarquable et faisant montre de grandes qualités littéraires. le récit est très bien construit, l'alternance de rythme est parfaite. L'écriture est belle. Que ce soient les descriptions très immersives ou les dialogues bien ciselés, tout est pensé, rien n'est inutile, le texte est très équilibré. Si la romance est l'enjeu principal de l'intrigue, la Guerre de Sécession et les suites de la défaite ne sont pas un simple décor. Ce contexte historique façonne le récit, les rapports entre les personnages et leur évolution. J'ai été particulièrement saisie par les descriptions des innombrables soldats blessés qui s'entassent dans une gare après une bataille perdue. Un passage absolument terrible, tout comme le sont les passages dans lesquelles l'auteure raconte les souffrances des civils vaincus. Peur, faim, vexations… Ces scènes rappellent que si dans une guerre il y a bien un vainqueur et un vaincu, il n'y a que des perdants. Les vaincus perdent tout et les vainqueurs, trop souvent, perdent leur humanité en humiliant les vaincus. Mitchell a un talent formidable pour ciseler des personnages fouillés, complexes avec une vraie épaisseur et que l'on découvre au fur et à mesure du roman. Si Scarlett reste un peu la même tout au long du récit, de bout en bout elle est fière, arrogante et volontaire, elle évolue tout de même dans sa compréhension du monde, des gens. Elle grandit tout simplement. Les autres personnages sont tout aussi formidablement caractérisés, de Rhett à Ashley en passant par Will. Mais, je crois que le personnage qui m'a le plus séduite, en dehors de Warrior-Scarlett, c'est Mélanie. Au fur et à mesure du récit, je me suis de plus en plus attachée à elle, un peu comme Scarlett qui Mélanie éclaire le roman de son humanité et de sa tendresse tout en faisant preuve, au fur et à mesure, d'une capacité d'affirmation insoupçonnée. C'est parfois d'être humain qui demande le plus de force et de courage.

« Autant en emporte le vent » mérite bien son statut de classique. Au-delà de la controverse justifiée pour sa dimension d'oeuvre raciste (ce qui reste intéressant d'un point de vue sociétal), le roman de Margaret Mitchell est un magnifique roman avec un souffle formidable, des personnages sublimes et une écriture remarquable.
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