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Critique de Chouchane


Un manga autobiographique en 3 tomes. Voilà un programme de lecture attirant et je ne fus pas déçue ; j'ai avalé ces 3 gros livres - à lire de droite à gauche - d'une seule traite ; il m'a donc semblé plus naturel de chroniquer de la même façon ces trois tomes : d'une seule traite.

Avant d'être un grand mangaka Sigheru Mizuki de son vrai nom Mura Sigheru fut un petit garçon curieux et vif, vivant dans le Japon semi-rural d'avant la guerre de quarante. Rizières, bord de mer sauvage, bol de riz, baguettes, respect des aînés et bagarres de garçons dans les rues, rythment le quotidien du petit Mura. Dans cet univers ce qui le marquera durablement ce sont les histoires que lui raconte nonnonbâ une sorte de mémé qui s'occupe de la maison et qui vit entourée de paranormal. Pour nonnonbâ chaque manifestation désagréable dans le réel (maladie, cauchemar, chute...) est le fait d'un Yokaï, une créature surnaturelle du folklore et l'imaginaire japonais. Un mélange d'esprit, démon, fantôme qui prend des apparences monstrueuses et qui demande pour disparaître des rituels ou des postures adaptées. Ces passages sont de délicieux moments de rêverie et de découverte pour le petit garçon. Adulte, il fera de ces esprits les personnages principaux de ses mangas, le plus célèbre sera Kitaro le repoussant.
Peu enclin à l'obéissance, il fera une scolarité plutôt calamiteuse et c'est désolant de constater à quel point aucun enseignant ne captera son talent. Pourtant, le jeune Shigeru continue sa voie dans le dessin, sans savoir vraiment ce qu'il en fera. Flegmatique il suit sa route sans anxiété aucune et étrangement fini toujours par s'en sortir.

1942, il a 20 ans, il est enrôlé dans l'armée impériale et est envoyé en Nouvelle Guinée à Rabaul. le sud ! Cela fera l'objet de multiples planches et c'est assez traumatisant. Les privations, la malaria, la violence des supérieurs -vraiment l'éducation à la japonaise n'a rien d'attirant, tout est transmis à l'aide de gifles et de punition, école, armée, entreprise même style détestable - et surtout la faim omniprésente seront son quotidien calamiteux. Sighéru échappera plusieurs fois à la mort de façon parfois ahurissante. Il y laissera toutefois un bras, le droit ! S'il ne s'étale pas sur ce fait, j'ai appris en farfouillant sur internet qu'il avait dû vraiment s'accrocher pour redessiner de la main gauche. Avec son seul bras, on le voit découper des Yokaïs, constituer de gros classeurs (300 à la fin de sa vie) et surtout faire du vélo pour se détendre. le plus étonnant de cette période est la proximité qu'il va nouer avec les « hommes de la forêt », une tribu locale qui le considère comme l'un des siens et qui lui offre un morceau de terre pour s'installer. Il les quittera à contre coeur à la fin de la guerre mais finira pas leur rendre visite plusieurs fois avant sa mort.

De retour de la guerre, il laisse la vie s'écouler mais ses parents ne l'entendent pas de la sorte et lui trouvent une épouse. Douce et docile, elle s'occupe de leur foyer alors qu'il gagne à peine de quoi vivre avec ses dessins. Si le succès tarde à venir, il arrive quand même. On découvre dans le dernier tome le début de cette forme de narration, l'émergence de maîtres du manga vivant souvent comme des « clochards célestes ». Et puis les années passant, le Sud tribal qu'il a connu en Nouvelle Guinée viendra le hanter à nouveau comme un paradis perdu au milieu de la folie des hommes. Les parents vieillissent et meurent, les frères reviennent eux-aussi de la guerre, les enfants grandissent et Sigheru devient une célébrité. le Japon quand à lui après des années de misère post-guerre, joue de ses habilités politiques, de sa rigueur morale, de sa solidité sociétale, pour devenir une puissance économique et culturelle à la fois redoutée et enviée.

A lire absolument.
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