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Critique de mumuboc


Buenos-Aires - Argentine -1979 - Un homme apparaît sur le bord de la route et monte à bord de la voiture du narrateur, Matthieu Ermine, 23 ans à l'époque et ce qu'il ne sait pas encore c'est que cette rencontre va bouleverser sa vie. Cet homme il ne le verra que deux fois en 48 heures et pourtant pendant plus de 20 ans cette rencontre  va l'obséder. Il s'appelle Jorge Neuman, instituteur d'une quarantaine d'années et son aspect laisse à penser qu'il vient de vivre des heures difficiles, douloureuses dans un pays vivant sous une dictature mais Matthieu n'y a jamais été confronté, protégé qu'il est par son statut de bibliothécaire dans un Institut français et pourtant le pays traverse des années noires où la répression et la torture sont monnaies courantes. Cette rencontre est un signal d'alarme et alors qu'il rentre de façon précipitée en France, il se trouve dépositaire d'une liasse de documents rédigés par Jorge Neuman faisant de Matthieu sont légataire testamentaire, documents dont il va se servir pour écrire sa biographie.

Car cet argentin va totalement disparaître et ne laisser comme traces de son existence en dehors Traité des heures silencieuses dont il est l'auteur et la liasse de feuilles transmises pour témoigner du drame qu'il a vécu mais également de ses recherches pour retrouver celui qu'il juge responsable de la disparition de sa femme et de sa fille, disparues elles aussi, comme beaucoup d'autres, qu'ils soient hommes, femmes, enfants pendant les sept années sombres (1976-1983) que dura la prise de pouvoir par la junte militaire, des années sombres comme l'Amérique du Sud en a connues, en Argentine mais également au Chili.

Et les fantômes sont nombreux et celui de Jorge Neuman hante Matthieu comme ceux que les Mères de la Place de Mai ont tenté de garder vivants en manifestant toutes les semaines, réclamant justice pour leurs disparus jusqu'en 2006. Les jardins d'hiver ont vu nombre d'interrogatoires, de tortures mais ont gardé dans leurs murs leurs noms.

Ce roman est une enquête, celle d'un écrivain qui se lance dans l'écriture de la biographie d'un homme, Jorge Neuman, le disparu de Buenos-Aires,  un homme dont il veut à la fois restituer la mémoire mais également découvrir ce qui lui est réellement arrivé, à lui mais également à sa famille et aux autres, à ceux connus ou inconnus dont on n'a jamais retrouvé les corps. Non satisfait du premier jet de la biographie, il va se lancer dans une enquête plus approfondie qui va le conduire au bord du précipice d'une période de l'histoire de l'Argentine contenant nombre de cadavres et dont un nom va revenir régulièrement, Rafael Vidal, l'ange blond tortionnaire, au visage angélique mais aux mains pleines de sang.

Quand on cherche on trouve, on refait ressurgir des faits, on baisse certains masques et l'on doit affronter la vérité en face et parfois elle est dérangeante, elle soulève des questionnements sur les comportements, sur ce à quoi l'on est prêt à mettre en jeu et les compromissions avec sa conscience. A travers la recherche d'un homme Matthieu Ermine va se retrouver face à lui-même et c'est le tour de force de ce roman : trois histoires en une : celle d'une page d'histoire et celles de deux hommes.

C'est grâce à une chronique de Natiora que j'ai lu ce thriller historique, thriller car Michel Moatti l'a construit à la manière d'une enquête en revenant sur le contexte historique d'une période noire d'un pays mais également sur le travail d'un biographe et comment celui-ci se confronte au souvenir d'un homme qu'il n'a croisé que très brièvement mais dont les paroles resteront à jamais dans son esprit et dont il comprendra enfin tout le sens.

Est remonté en moi le souvenir de nombreux éléments dont j'avais connaissance comme cet ange blond dont le véritable nom était Alfredo Astiz, jugé pour crime contre l'humanité en 2011, les meurtres, entre autres, de deux religieuses françaises jetées vivantes d'un avion en plein vol (mais elles n'ont pas été les seules) et j'ai pensé aux images également d'un film Missing de Costa Gavras qui reçut la Palme d'or à Cannes en 1982 évoquant les mêmes méfaits mais au Chili en 1973 (autre pays mêmes méthodes), film relatant la recherche d'un homme "évaporé" par sa femme et son père. Et puis certains "détails" comme les Ford Falcon utilisées par la junte militaire dans lesquelles disparaissaient les opposants ou présumés opposants pour ne jamais réapparaître, ne laissant ainsi aucune trace comme dans la chanson de Jean-Pierre Mader : Disparue évoquant la disparition d'une femme.

J'ai beaucoup aimé la forme utilisée pour évoquer cette période sombre d'un pays, ne travestissant que très peu les faits (changements de noms) en s'interrogeant également sur le travail de biographe, de la véracité de ce qu'il avance,  leur fragilité,  mais également la part de lui-même qu'il y met allant jusqu'à l'intégrer au mystère de la disparition. C'est une lecture prenante, terrifiante d'autant plus terrifiante parce que puisée dans la réalité et les dernières pages nous obligent nous-mêmes à nous poser certaines questions : qu'elles seraient nos limites..... La fiction se mêle à L Histoire et l'ensemble en fait une lecture prenante à plus d'un titre. 
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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