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« Ils les avaient fait attendre des heures dans une immense pièce dont ils avaient bouché toutes les fenêtres avec des vieilles couvertures vertes de l'armée qui puaient la pisse. Il faisait tout le temps nuit. Des ampoules entourées de grillage brillaient, sans aucune interruption. C'était tout le temps la nuit, mais il ne faisait jamais vraiment noir. Un clair-obscur verdâtre baignait la pièce qui leur servait de prison, semblable à cette luminosité tropicale que l'on trouve dans les serres. Par dérision, leurs gardiens appelaient ça « les jardins d'hiver ». Bien entendu, il y avait d'autres prisonniers. Des formes assises dans l'ombre, dont certaines avaient les mains attachées devant elles.(...) Beaucoup venaient d'arriver et ils crevaient de peur. Parfois, on entendait des hurlements. Ils venaient de partout. »

D'une plume sobre et ferme, Michel Moatti ancre son thriller historique dans les années sombres de la dictature militaire argentine dirigée par la junte du général Videla de 1976 à 1983. Tout y est minutieusement documenté pour dire la guerre sale : les centres clandestins de détention où des opposants politiques sont torturés puis froidement assassinés lorsque leur utilité est épuisée aux yeux de leurs geôliers ; les 40.000 victimes dont 30.000 Desaparecidos ( les Disparus ) ; la nuit de Crayons au cours de laquelle des lycéens furent enlevés ; le Sotano ( le Sous-sol ) où, drogués au pentonaval, les victimes embarquent pour un vol de la mort, jetés dans le rio de la Plata.

Le matériau historique est très riche et parfaitement utilisé pour créer une ambiance sourde, d'autant plus que la construction choisie par l'auteur est d'une grande efficacité pour instiller le doute, insidieusement, autour du narrateur, un jeune Français attaché à l'institut français de Buenos Aires qui prend en stop, par hasard, Jorge Neuman, écrivain qui vient d'être relâché d'un de centres de rétention après des semaines de torture : ce dernier lui raconte sa vie avant de disparaître définitivement. de retour en France, il se lance dans une enquête sur Jorge Neuman et en fait son sujet de thèse, brillamment soutenu et reconnu. Puis sur le capitaine Vidal qui dirigeait

Progressivement, l'auteur distille des indices, notamment par le biais d'extraits des feuillets écrits par Jorge Neuman. Et c'est passionnant de voir comment se déconstruisent les idées qu'on se faisait sur ces deux personnages. La figure de l'auteur vampirisant le réel, le déformant, est très pertinente pour comprendre l'obsession du narrateur pour Neuman, faisant vaciller les certitudes que l'on pouvait avoir sur la réalité, dépeçant la vérité jusqu'à la trahison, toujours plus simple à s'épanouir que le supposé héroïsme planqué derrière un bureau.

Excellent thriller, maitrisé et poignant.

A noter que l'auteur s'est inspiré de personnages réels pour ses personnages fictifs : Jorge Neuman a été construit autour des figures de Jacobo Timerman et de Hector German Oesterheld, deux disparus ; celui de Rafael Vidal est l'incarnation romanesque du lieutenant Alfredo Astiz, el Rubio, responsable de l'assassinat de centaines de personnes.
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Je me rends compte au fil de mes lectures que j'aime beaucoup celles qui allient fiction et faits réels. Découvrir des lieux ou des moments historiques par les livres permet d'étendre bien entendu ses connaissances générales l'air de rien, mais surtout de s'ouvrir au monde et surtout, de ne pas oublier.

C'est sur des événements authentiques qui se sont déroulés fin des années 70 – début des années 80 en Argentine que l'auteur Michel Moatti, installe les prémices de son nouveau roman noir. Évidemment, j'avais déjà entendu parler de cette dictature de la terreur en Argentine. Elle a occasionné de très nombreux morts et aussi disparus mais cela m'a surtout permis d'engendrer un intérêt certain pour cette période et de vouloir ne pas en rester là. Si vous avez d'ailleurs quelques conseils de livres ou documents intéressants sur ladite période, n'hésitez pas à m'en faire part.

Tout commence par une rencontre inopinée, entre Mathieu Ermine, jeune français attaché culturel en Argentine, qui prend en stop Jorge Neuman, sur une route près de Buenos Aires fin 1979. En sang et complètement hagard, Jorge Neuman est sauvé par ce jeune français, idéaliste qui ne connaît que de façade le pays dans lequel il se trouve. Vient alors le récit de Jorge Neuman, professeur et auteur ayant été enlevé, battu et torturé comme son épouse par la junte militaire au pouvoir. Petit à petit, Neuman va dévoiler certains des secrets les plus noirs de son pays. Mais qui est finalement vraiment Jorge Neuman? Qu'est-il devenu? Mathieu Ermine va se retrouver, malgré lui, avec le besoin d'en savoir plus sur ce disparu.

Même si on se sait dans un roman de fiction, Michel Moatti a le talent admirable de nous offrir un livre qui pourrait être en tout point une biographie crédible d'un opposant argentin. A maintes reprises, j'ai eu l'impression de lire un document politique sur de vraies personnes, tant le travail de recherche que la justesse de la plume de l'auteur en font un très solide roman noir.

L'auteur s'est inspiré de faits ainsi que de personnages réels, dont il nous dévoile une partie en épilogue, et qui m'ont littéralement fortement fascinée. Même plusieurs jours après avoir refermé ce livre, il reste encore hanter mon esprit. Ce n'est pas un livre que l'on oublie facilement. Bien du contraire, c'est un véritable réveil de conscience pour nous mais aussi pour les générations futures.

C'est à la fois vif, émouvant, réaliste, faisant réfléchir sur la barbarie et le côté sombre d'individus au cours de l'histoire. Mais aussi sur la détresse de tout un peuple abandonné, sur les coupables qui se firent oublier pour échapper aux poursuites pénales, sur ces milliers de disparus dont les familles n'ont jamais pu faire leur deuil.

Originalité dans le corpus de ce bouquin, c'est d'avoir des typographies différentes selon que l'on se trouve face à un témoignage ou face à des écrits de Jorge Neuman. Cela a été intelligemment pensé et cela facilite fortement la lecture. Jusqu'à la dernière page, j'ai été scotchée et fascinée par les personnages.

Comme vous l'aurez compris, c'est un gros coup de coeur de ce mois de février car ce livre m'a vraiment pris aux tripes !!! Je vous conseille très vivement cette lecture qui allie aussi bien le romanesque à l'Histoire sombre de l'Amérique du Sud. Il marquera très fort mon année littéraire.

Je remercie Agnès Chalnot et les éditions Hervé Chopin pour leur confiance.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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« Mourir, c'est laisser des regrets et des pleurs qui finiront par se tarir. Disparaître, hélas, c'est poser des questions auxquelles il n'y aura jamais de réponse ». Raflés par les hommes en Ford Falcon au coin d'une rue ou au saut du lit, les disparus furent innombrables en Argentine dans les années 70-80, durant la « guerre sale » orchestrée par la dictature militaire.

Jorge Neuman fut l'un d'entre eux. Connu grâce au succès de son livre résistant, emprisonné, battu et torturé dans les geôles de la junte, il en fut finalement libéré, avant de disparaître totalement quelques mois plus tard. Disparition volontaire ? Chute malencontreuse les bras liés depuis un avion en plein vol ? Les témoignages sont rares et peu concordants. Martyr ou affabulateur, qui était vraiment Jorge Neuman ?

Jeune expatrié à l'Institut français de Buenos Aires, Mathieu Ermine l'avait rencontré et ramassé la nuit où il fut relâché, sur le bord de la route. Neuman s'était alors confié à lui et l'avait choisi pour témoigner. Ce qu'Ermine n'a pas fait. Des années plus tard, à travers les archives et les témoignages des groupes d'opposants réfugiés en France, il tente de remonter le passé.

Raconté sous une forme où le roman s'intègre constamment dans un environnement réel et documenté, Les Jardins d'hiver de Michel Moatti remplit parfaitement son rôle annoncé de thriller historique. Au fil des chapitres, le regard du lecteur sur Neuman évolue jusqu'à l'assemblage final, twist crédible et refroidissant. Une lecture aussi plaisante qu'instructive, pour une période que je connaissais peu, qui ravira les amateurs d'enquêtes réalistes.

« Les dictatures ne fabriquent pas de héros …/… Elles ne fabriquent que des traîtres et des morts dont on trahira le souvenir ».
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Buenos-Aires - Argentine -1979 - Un homme apparaît sur le bord de la route et monte à bord de la voiture du narrateur, Matthieu Ermine, 23 ans à l'époque et ce qu'il ne sait pas encore c'est que cette rencontre va bouleverser sa vie. Cet homme il ne le verra que deux fois en 48 heures et pourtant pendant plus de 20 ans cette rencontre  va l'obséder. Il s'appelle Jorge Neuman, instituteur d'une quarantaine d'années et son aspect laisse à penser qu'il vient de vivre des heures difficiles, douloureuses dans un pays vivant sous une dictature mais Matthieu n'y a jamais été confronté, protégé qu'il est par son statut de bibliothécaire dans un Institut français et pourtant le pays traverse des années noires où la répression et la torture sont monnaies courantes. Cette rencontre est un signal d'alarme et alors qu'il rentre de façon précipitée en France, il se trouve dépositaire d'une liasse de documents rédigés par Jorge Neuman faisant de Matthieu sont légataire testamentaire, documents dont il va se servir pour écrire sa biographie.

Car cet argentin va totalement disparaître et ne laisser comme traces de son existence en dehors Traité des heures silencieuses dont il est l'auteur et la liasse de feuilles transmises pour témoigner du drame qu'il a vécu mais également de ses recherches pour retrouver celui qu'il juge responsable de la disparition de sa femme et de sa fille, disparues elles aussi, comme beaucoup d'autres, qu'ils soient hommes, femmes, enfants pendant les sept années sombres (1976-1983) que dura la prise de pouvoir par la junte militaire, des années sombres comme l'Amérique du Sud en a connues, en Argentine mais également au Chili.

Et les fantômes sont nombreux et celui de Jorge Neuman hante Matthieu comme ceux que les Mères de la Place de Mai ont tenté de garder vivants en manifestant toutes les semaines, réclamant justice pour leurs disparus jusqu'en 2006. Les jardins d'hiver ont vu nombre d'interrogatoires, de tortures mais ont gardé dans leurs murs leurs noms.

Ce roman est une enquête, celle d'un écrivain qui se lance dans l'écriture de la biographie d'un homme, Jorge Neuman, le disparu de Buenos-Aires,  un homme dont il veut à la fois restituer la mémoire mais également découvrir ce qui lui est réellement arrivé, à lui mais également à sa famille et aux autres, à ceux connus ou inconnus dont on n'a jamais retrouvé les corps. Non satisfait du premier jet de la biographie, il va se lancer dans une enquête plus approfondie qui va le conduire au bord du précipice d'une période de l'histoire de l'Argentine contenant nombre de cadavres et dont un nom va revenir régulièrement, Rafael Vidal, l'ange blond tortionnaire, au visage angélique mais aux mains pleines de sang.

Quand on cherche on trouve, on refait ressurgir des faits, on baisse certains masques et l'on doit affronter la vérité en face et parfois elle est dérangeante, elle soulève des questionnements sur les comportements, sur ce à quoi l'on est prêt à mettre en jeu et les compromissions avec sa conscience. A travers la recherche d'un homme Matthieu Ermine va se retrouver face à lui-même et c'est le tour de force de ce roman : trois histoires en une : celle d'une page d'histoire et celles de deux hommes.

C'est grâce à une chronique de Natiora que j'ai lu ce thriller historique, thriller car Michel Moatti l'a construit à la manière d'une enquête en revenant sur le contexte historique d'une période noire d'un pays mais également sur le travail d'un biographe et comment celui-ci se confronte au souvenir d'un homme qu'il n'a croisé que très brièvement mais dont les paroles resteront à jamais dans son esprit et dont il comprendra enfin tout le sens.

Est remonté en moi le souvenir de nombreux éléments dont j'avais connaissance comme cet ange blond dont le véritable nom était Alfredo Astiz, jugé pour crime contre l'humanité en 2011, les meurtres, entre autres, de deux religieuses françaises jetées vivantes d'un avion en plein vol (mais elles n'ont pas été les seules) et j'ai pensé aux images également d'un film Missing de Costa Gavras qui reçut la Palme d'or à Cannes en 1982 évoquant les mêmes méfaits mais au Chili en 1973 (autre pays mêmes méthodes), film relatant la recherche d'un homme "évaporé" par sa femme et son père. Et puis certains "détails" comme les Ford Falcon utilisées par la junte militaire dans lesquelles disparaissaient les opposants ou présumés opposants pour ne jamais réapparaître, ne laissant ainsi aucune trace comme dans la chanson de Jean-Pierre Mader : Disparue évoquant la disparition d'une femme.

J'ai beaucoup aimé la forme utilisée pour évoquer cette période sombre d'un pays, ne travestissant que très peu les faits (changements de noms) en s'interrogeant également sur le travail de biographe, de la véracité de ce qu'il avance,  leur fragilité,  mais également la part de lui-même qu'il y met allant jusqu'à l'intégrer au mystère de la disparition. C'est une lecture prenante, terrifiante d'autant plus terrifiante parce que puisée dans la réalité et les dernières pages nous obligent nous-mêmes à nous poser certaines questions : qu'elles seraient nos limites..... La fiction se mêle à L Histoire et l'ensemble en fait une lecture prenante à plus d'un titre. 
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Finalement vous avez été témoin de peu de chose…. Vous avez été comme un visiteur derrière la vitre de l'aquarium. … Nous n'avions plus rien à dire et vous n'avez rien entendu.

Cette phrase, entendue lors d'une rencontre avec d'anciens réfugiés argentins replonge Matthieu Ermine dans des souvenirs douloureux : ceux de sa jeunesse.
Alors coopérant dans l'Argentine des généraux, il avait croisé la route d'un homme Jorge Neuman, écrivain qui luttait contre la junte militaire alors au pouvoir.
Effrayé et soucieux de sa vie, il avait quitté le pays emportant avec lui les écrits que lui avait remis Jorge Neumann..
Les années ont passées, l'écrivain a disparu, l'Argentine à retrouvé un semblant de Démocratie, mais Matthieu lui n'a rien oublié.
Rongé par le remord, il a essayé de se racheter en écrivant et en témoignant sur ce qu'avait été ces années là (1976 – 1983): 30 000 victimes, des disparus par milliers……
Cette dictature à la fois proche et lointaine exprime dans ce livre toute son horreur. On assiste impuissant à tous ces massacres orchestrés par une police secrète aux pouvoirs sans limites : opposants jetés vivants depuis un avion dans le Rio del Plata, nuit des crayons où plusieurs dizaines d'adolescents furent massacrés…..
Pourtant un doute s'installe au gré des pages. Ce jeune coopérant est il crédible dans sa dénonciation du régime argentin, et Jorge Neumann n'aurait il pas été amené à coopérer avec le régime en dénonçant quelques uns de ces camarades. Jusqu'au bout le doute plane.
Bien sûr, ce livre n'est pas là pour juger de l'attitude de un tel ou un tel durant ces sombres années.
Au contraire, il met en avant la vie de tout ces anonymes qui à leur manière luttaient contre la junte militaire en place.
Certains ont été héroïques, d'autres ont été contraint malgré eux de coopérer.
Il met surtout en avant un fait : pour lutter contre le communisme, les puissances occidentales ont laissé s'installer de sinistres dictatures dans cette partie du monde.
Je remercie Babelio et HC Editions pour m'avoir fait découvrir cet auteur dont j'ai pris beaucoup de plaisir à lire l'histoire qu'il proposait.
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Chronique de Serial Lectrice : le petit avis de Kris pour Collectif Polar
Les Jardins d'hiver - Michel Moatti
On sort des sentiers battus avec cet opus ...
Argentine, fin des années 1970. Un jeune attaché à l'Institut français prend en stop un homme blessé, l'écrivain Jorge Neuman dont la femme et la fille viennent d'être enlevées par les hommes de Rafael Vidal, l'un des chefs de la police secrète. Des années plus tard, rentré à Paris, cet homme décide de retrouver la trace du sinistre Vidal.
Plus qu'un roman c'est un constat sur les exactions et atrocités survenues en Argentine dans ce qu'ils appellent la guerre sale et où bien de simples citoyens furent torturés dans des lieux surnommés les jardins d'hiver.
Au travers des mots d'un écrivain qui n'a eu le temps de publier qu'un seul livre, le personnage principal tente de retracer son parcours, tragique, et, revenu en France, après 2 ans de silence, se plonge dans les écrits que lui a transmis cet auteur et où sont jetés sur le papier les souffrances d'une vie.
Mais petit à petit les doutes et les trahisons referont surface et surtout l'implication finale du protagoniste. C'est aussi et surtout un devoir de mémoire envers tous ces innocents torturés et exécutés par la junte.
Michel Moatti n'a pas fini de nous surprendre !
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Un roman très sombre qui reprend des faits historiques qui se sont déroulés en Argentine dans les années 76 à 83. Des années de terreur après le coup d'état des généraux, la dictature militaire est au pouvoir et traque tous ceux qui pourraient lui être contraire. Matthieu Ermine est alors jeune professeur coopérant à l'Université, il va croiser la route de l'écrivain Jorge Neumann qui va lui remettre un manuscrit racontant tout ce que sa femme et sa fille disparue et lui-même ont du endurer. Il fuit le pays au plus vite se sentant menacé. Des années plus tard il va reprendre les écrits de l'écrivain pour mieux comprendre cette période. Les récits des exactions, des tortures, des disparitions et les pratiques de la police secrète font froid dans le dos. Nous sommes face à un scénario retors qui nous fait vivre plusieurs temporalités et celle du présent n'est certes pas la plus tranquille. Matthieu cherche à savoir si Jorge Neumann est encore vivant, il cherche aussi à retrouver son bourreau Vidal. Toutes ses recherches et les milieux qu'il doit fréquenter rendent le roman passionnant. Dans un savant mélange de réel et de fiction, l'auteur retrace le parcours d'une victime mais en ajoutant une donnée majeure qui donne une profondeur au récit. Je me suis attachée aux personnages que ce soit les survivants mais aussi la femme et la fille de Neumann disparues tragiquement. Beaucoup d'émotions et une question qui me reste en tête qu'aurais-je fais dans cette situation, à la place de Matthieu. Comment peut-on en arriver à être un bourreau ou encore comment peut-on trahir les siens pour avoir la vie sauve ? de nombreuses questions sans réponses que se posent Matthieu lorsqu'il veut écrire la biographie de Neumann. Un parcours que nous suivons à ses côtés, qui prend aux trippes et vient mettre en lumière des faces sombres de l'être humains. Bonne lecture.
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J'envie ceux qui ne connaissent pas encore Michel Moatti. Ceux qui ne l'ont pas encore lu et qui vont le faire. Plus particulièrement ceux qui s'apprêtent à lire son dernier ouvrage. Ceux-là ont bien de la chance, ils vont pouvoir commencer « Les jardins d'hiver » que je viens de refermer. Oui, ils ont bien de la chance : j'aimerais comme eux revenir à la première page – mieux, à la couverture, à cet instant précis où j'ignore encore que je vais plonger dans un livre qui comptera pour moi.
Michel Moatti ne m'est pas un inconnu. Au fil des lectures il m'est même devenu un auteur indispensable. « Alice change d'adresse » m'avait plu, « les retournants » m'avait emballé. À l'instant, ses « jardins d'hiver » viennent de m'enthousiasmer. On y fait la connaissance de Matthieu Ermine, un jeune français de 23 ans qui vit depuis quelques années à Buenos Aires. Un jeune homme insouciant, visiblement indifférent au monde qui l'entoure. le problème, c'est que nous sommes en 1979, en pleine dictature du général Videla. le hasard se chargera de lui ouvrir les yeux et de lui faire rencontrer un argentin, Jorge Neuman, qui dit avoir été libéré d'un centre clandestin de détention d'où on ne ressort théoriquement que mort. Sa femme, d'ailleurs, n'en est probablement pas ressortie vivante. Disparue. Quant à sa fille, elle fait partie des victimes de la nuit des crayons, un épisode tragique qui vit disparaître, enlevés par la junte militaire, une dizaine d'étudiants dont le seul tort fut d'avoir manifesté pour obtenir la gratuité des transports pour eux-mêmes. Disparue elle aussi, son corps n'a jamais été retrouvé. La répression de la junte était particulièrement féroce, aveugle, absurde. Il faut se remémorer cette déclaration restée célèbre : « nous tuerons d'abord tous les subversifs, ensuite leurs collaborateurs, puis leurs sympathisants, ceux qui restent indifférents, et finalement, nous tuerons les indécis ». Il faut se souvenir des vols de la mort où des pauvres bougres étaient lâchés vivants d'un avion survolant la mer. Il suffit de se remémorer tout cela, entre autres, pour s'en convaincre : cette dictature là a tout fait pour mériter une place sur le podium des pires saloperies de l'histoire.
Les deux hommes se reverront, et l'argentin confiera à Matthieu des documents pour alerter l'opinion publique en France. Las, de retour au pays Matthieu n'en fera rien. Jorge Neuman disparaîtra dans les jours qui suivront leur dernière rencontre et les documents dormiront sagement jusqu'à ce que, quatre décennies plus tard, Matthieu finisse par en faire un livre intitulé « Jorge Neuman, le disparu de Buenos Aires ». le bouquin lui vaudra une petite renommée ainsi que la sympathie d'exilés argentins restés en France. Qu'est devenu Jorge Neuman ? Que sont devenus los desaparecidos ? Terrible énigme qui parcoure « Les jardins d'hiver ». Les morts sont des morts tandis que les disparus trimballent avec eux d'innombrables questions à jamais sans réponses. Ermine-Moatti entraîne le lecteur dans son enquête sur les heures sombres de l'Argentine et lui fait traverser un roman densément peuplé de faits historiques. Mais aussi de non-dits, de sous-entendus, traversé de zones d'ombre et de fantômes, et lui fait rencontrer des personnages qui se regardent en chien de faïence jusqu'à ce qu'enfin, sourde la vérité. le lecteur réalise alors que Michel Moatti a réussit la parfaite alchimie entre ces deux parts : l'historique et la romanesque. Et pour finir qu'il vient de lire un superbe, émouvant et salutaire roman.
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Je remercie les Éditions Hervé Chopin et Babelio pour m'avoir adressé ce livre dsns le cadre de la Masse Critique d'octobre 2020.

Mathieu Ermine est un jeune attaché culturel qui travaille à l'Institut français de Buenos Aires. L'Argentine, en cette fin des années 70, c'est celle des généraux, des guérillas, des enlèvements et des exécutions pour chaque opposant potentiel à la junte militaire.
Mathieu se contente de vivre tranquillement sans se préoccuper du climat politique lorsque celui-ci le rattrape.
Un jour de 1979, il prend à bord de son véhicule un homme ensanglanté, qui vient d'être libéré d'un des camps de rétention, dénommés « les jardins d'hiver ».
Cet homme s'avère être Jorge Neuman, un intellectuel argentin, professeur et écrivain célèbre.
Neuman explique à Mathieu son parcours, la disparition de sa fille, les tortures subies par sa femme. Alors que le jeune homme prend conscience des risques qu'il court à avoir recueilli le fugitif, et décide de rentrer vite en France, l'écrivain lui remet un manuscrit qui expose la vie politique au sein de l'Argentine.
Neuman lui confie vouloir consacrer le reste de sa vie à chercher Rafael Vidal, le responsable de la mort de sa fille et de sa femme, et disparaît.

Quarante ans après, le jeune homme apeuré s'est mué en homme aguerri, Mathieu est devenu le biographe de Neuman et recherche désormais des traces du disparu.
Le livre est donc le récit par Mathieu de sa rencontre avec Neuman, des recherches historiques que l'écrivain réalise afin de pouvoir écrire ce qu'a vraiment été la vie de l'Argentin. Il est émaillé des extraits du manuscrit confié par celui-ci.

Ce qui est très intéressant, c'est qu'on imagine ainsi le travail effectué par Michel Moatti lui-même pour compiler toute la documentation nécessaire à l'écriture de son roman. A l'instar d'une plongée en abîme. Car certes, c'est un roman, mais la base historique est bien réelle : les rafles, les camps d'extermination, les vols de la mort...
Confronté à des survivants de cette époque tragique, Mathieu se retrouve à éprouver une sorte de syndrome de l'imposteur, lui qui n'a fait que se servir des dires et écrits de Neuman pour rédiger ses ouvrages, sans réellement chercher la vérité sur l'homme dont il racontait la vie. Son cheminement personnel est visible tout au long de son récit, et interroge sur la part de subjectivité de tout biographe sur la relation des activités et ressentis de son sujet d'écriture.

Ce polar plonge le lecteur dans l'horreur des exactions commises en Argentine, mais l'amène aussi à prendre du recul vis à vis du récit de certains : les héros le sont-ils vraiment ? Quelle part sombre recèlent-ils en eux qui pourrait les amener à basculer du côté des lâches et des traîtres ? Comment l'humain devient-il un pantin ?

Pour tout dire, j'ai eu beaucoup de mal à le lire. Non parce qu'il n'est pas intéressant ou haletant, mais parce que justement la base historique et les exactions évoquées sont bien réelles. A chaque fois que je me plongeais dedans, je ne pouvais plus le lâcher, mais dès que je m'arrêtais, j'avais de grandes difficultés à y revenir, d'où le délai qu'il m'a fallu pour le lire, entrecoupé d'autres lectures.
Mais il doit être lu, car c'est le talent de Michel Moatti que de m'avoir fait ressentir ce malaise, et outre l'histoire imaginaire de Neuman, trop peu d'ouvrages de fiction portent sur cette époque trouble de l'Argentine.

lirelanuitoupas.wordress.com
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J'ai eu du mal à rentrer dans le récit et dans les faits historiques. C'est aux alentours de la page 70 que j'arrive à comprendre où l'auteur m'emmène.

On fait face à des atrocités dans ce livre. Fictives et historiques. L'atmosphère y est oppressante. On ne ressort pas de ce roman le coeur léger.

Je salue le travail de recherche de l'auteur. Je ne connaissais pas les faits historiques énoncés. 

J'apprécie les différentes polices de caractère entre le récit, les témoignages et les feuillets de Neuman. Cela permet de savoir où on se situe et de donner une structure au récit.

Néanmoins, je ne suis pas passionnée par l'histoire mais je vous conseille de vous y plonger  pour vous forger votre opinion
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