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Critique de Prailie


Vous avez envie de comprendre ce que c'est vraiment - sous des dehors , apparemment burlesco-foldinguos, à première vue très rigolos - le Vrai, le Véritable, Épais, Gras et bien Lourd mépris de classe?
- Lisez Podium!!!

Car enfin, comment ne pas ressentir ce livre comme une énorme gifle à l'endroit des classes "populaires"? Moix se fait ici un malin plaisir d'épingler ses personnages pour leur mauvais goût musical ( Johny, Cloclo , C Jérôme , Sheila et Tutti quanti... ). Leur méchanceté, toujours planquée en embuscade (cf. la scène du restaurant "viande à volonté, où la radinerie et l'arrogance de Bernard n'ont d'égale que son ébouriffante invention verbale).
Alors oui, c'est inventif et c'est drôle. C'est souvent très très drôle .
Ne serait-ce que cette façon de traiter le moindre des à-côtés de la culture pop avec le même sérieux que le plus sérieux des sujets de thèse. [Ainsi, ce costume, cette chemise, ces bottines: quelle marque, quelle année? Portés par "Cloclo" dans quelles circonstances? Attestés, répertoriés dans quelles annales, dans quelle "somme"].

Mais qu'est-ce que c'est méchant! Moix ne témoigne d'aucune empathie envers ses personnages , il ne montre que leurs travers. On est ici dans la caricature, le portrait à l'emporte-pièce.
Et d'ailleurs qu'est-ce qu'elle est méprisante, cette façon de mélanger la petite et la grande culture, bien sûr pour mieux disqualifier la première...
Par exemple lorsque le narrateur parle des "paperoles" de son beau-frère Bernard, qui superpose photos et coupures de presse consacrées à Claude François, son idole. Or c'était le terme que Marcel Proust utilisait pour désigner les bandelettes de papier dont il se servait pour ajouter des corrections à ses manuscrits...
Ou encore lorsque le même narrateur , au terme d'un long raisonnement absurde sur les aires d'autoroute, en vient à conclure: "Charles Péguy a un jour comparé les champs de Beauce à l'océan. C'est très exagéré. N'est pas [Michel] Fugain qui veut".

- Ces allusions plus ou moins masquées, ces clins d'oeil à l'intention du public cultivé, ces allusions à la culture "savante", moi je les trouve plutôt indignes.
D'abord parce que le narrateur en question n'est pas supposé avoir lu , ni même connaître Péguy, et que par conséquent l'allusion à la phrase sur la Beauce est ici parfaitement artificielle. Elle n'est là, comme beaucoup d'autres, que pour nous démontrer la présumée abyssale culture classique de l'auteur lui-même , à savoir Yann Moix.
Ensuite parce qu'en paraissant placer le grand poète Péguy très au-dessous du chanteur Michel Fugain, le personnage est censé nous démontrer son mauvais goût,sa perception erronée des vraies valeurs...
Comme si, quand on est au volant de sa voiture, ou en boîte de nuit, on ne pouvait et ne devait écouter que du Claudel, du Bernanos, du Péguy !... Comme si, en fonction des circonstances, on ne pouvait pas apprécier tout à la fois les grands auteurs Et Les authentiques artistes populaires , dont les chansons rythment nos vies (Fugain, Delpech, Sardou, pour ne citer que quelques uns de ceux qui sont nommément présents dans le livre).
Comme s'il fallait absolument déprécier les uns pour se revendiquer des autres.

En cette rentrée 2019, la re-lecture de ce livre, vraiment, est atterrante. Gilets Jaunes, au-secours!
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