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Critique de caro64


Souvenez-vous, j'avais déjà beaucoup aimé La onzième plaie, le premier roman d'Aurélien Molas, paru en 2010. Je n'avais d'ailleurs pas été la seule, puisqu'il avait récolté une belle moisson de prix littéraires dont le Prix Polars Pourpres Découverte, le Prix raisin noir et Prix raisin noir des lycéens, le Prix Sang pour Sang polar 2010. Avec Les fantômes du delta, ce jeune auteur revient en force. Un deuxième roman comporte toujours un risque, on vous attend au tournant, le lecteur pourrait être déçu. Soyez rassurés, ce polar est à la hauteur du précédent, différent mais tout aussi dérangeant et passionnant ! Une fois ouvert, vous ne pouvez plus quitter ce delta… ces 500 pages se dévore d'une traite.

Une fois n'est pas coutume, je vous propose une très bonne chronique de mon amie Christine ((Blog : Bibliofractale) à laquelle j'adhère en tout point , je ne pourrai pas faire mieux…

Nous sommes dans le delta du Niger. Une des zones les plus polluées de la planète.
Exploitée par les grandes compagnies pétrolières qui s'en moquent comme d'une guigne que le pétrole infiltre tout. Qui n'en ont rien à faire de ruiner l'économie locale. Ou de pousser au désespoir puis à la révolte paysans et pêcheurs, qui sont chaque jour plus nombreux à gonfler les rangs des fantômes du Delta : ceux dont on ne voit plus qu'une ombre, mais qui sont prêts à tout pour survivre.
C'est là que vit le père David. Un prêtre de 68 ans aux convictions marxistes vacillantes, responsable d'un orphelinat. Une femme se présente un soir pour abandonner une petite fille.
Oui mais pas n'importe quelle petite fille.
Elle est, d'une part, la fille de David. Et elle est, d'autre part, « pas comme les autres ». Si le père David ne la protège pas, elle risque d'être victime des superstitions locales, comme des milliers d'autres enfants dits différents.
Pour le père David, il est impossible que ce bébé soit le sien. Les dates ne collent pas. Mais il recueille tout de même l'enfant.
Sans savoir en quoi elle est différente.
En ignorant que cette différence est âprement convoitée.
En raison de sa valeur marchande, certains n'hésiteront pas à tuer pour la kidnapper.
Comme les dirigeants du M.E.N.D. (mouvement pour l'émancipation du delta du Niger). Considérés comme terroristes par le gouvernement du Nigeria, ils voient en la petite Naïs un moyen d'obtenir des millions de dollars pour financer leur lutte.
Plus de cent millions de dollars. C'est ce que certains organismes de recherche sont prêts à payer cash. Même à des terroristes.
Ce que le gouvernement ne peut tolérer. Cet argent, c'est à lui qu'il revient.
Pas question que des ennemis de l'État touchent à la petite fortune que représente ce bébé, pas question que le M.E.N.D. devienne chaque jour plus fort.
Lorsqu'arrivent Jacques Rougée et Benjamin Dufrais, deux médecins en mission humanitaire pour Médecins Sans Frontières, ils ne savent pas encore dans quel piège ils vont tomber.
Et le sait encore moins Megan, jeune infirmière de Chicago, elle aussi hantée par ses propres fantômes, quand elle va les croiser.
Qu'est-ce qui peut justifier autant de morts autour de Naïs ?
Quel est ce secret dont l'enjeu est un bébé ?

Oubliez les thrillers abracadabrantesques, aux intrigues capillotractées, à la mécanique aussi subtile qu'un Caterpillar dans un champ d'orchidées.
Ceci est un vrai bon roman. Que dis-je ? Un vrai excellent roman.
Utilisant certes les éléments du thriller, mais insérés dans une trame autrement plus effrayante, autrement plus cynique, autrement plus sordide que toute fiction : le monde actuel.
Aurélien Molas attire notre attention sur une actualité qui devrait tous nous concerner.
Multinationales qui pillent et polluent sans vergogne, états laxistes ou voyous, misère de peuples prêts à tout pour retrouver une certaine dignité. Trafics, exploitations (du sol ou du vivant), violences, tout est bon pour remplir les caisses et oublier toute forme d'honneur ou de morale.
Les quelques humains de bonne volonté ne sont pas exempts de défauts ou de faiblesses. Mais qui l'est ? de plus, on apprendra relativement peu de choses de leur passé, et quelle importance ?
Seule compte la période allant de 2003 à 2010 et la manière dont ils la traverseront. Dans la peur, la fuite, la corruption, la lutte.
Dans l'espoir aussi.
On suit tour à tour les différents personnages, pour mieux entrer dans cette histoire aux multiples facettes.
Écrit sous la forme de très courts chapitres, comme autant de scènes fortes, comme autant d'instantanés capturant dans les moindres détails un élément de l'histoire, ce roman s'anime tel un folioscope pour laisser en persistance rétinienne après la dernière page une fresque épique, pleine de bruits, de sang, de sursauts de révolte ou d'abattement.
Rien de manichéen.
Et rien que les faits.
Pour être bien documenté, c'est sacrément bien documenté.
Moins noir que « la onzième plaie », différent également, mais tout aussi dérangeant et passionnant, un roman ambitieux et qui va droit à l'essentiel.
Construction parfaite, personnages crédibles, quelques traits d'humour comme seuls en sont capables ceux qui côtoient la mort tous les jours, ce livre pointe du doigt tous les chancres purulents qui sont la plaie de cette planète en général, et de l'Afrique en particulier.
Sans en rajouter, sans trop en faire, ce qu'il se passe tout au long des pages pourrait être à la Une du journal d'aujourd'hui.
Il est indispensable d'ouvrir l'oeil. Ce roman prouve que la littérature, sortie des autofictions ineptes et des thrillers formatés, contribue de belle manière à réveiller le lecteur.
Après avoir lu « La onzième plaie », je vous avais prévenus : « Attention, talent ! »
Je confirme.
On peut allier plaisir de lecture et lecture intelligente. Cela arrive, en voici la preuve.


Lien : http://bibliofractale.over-b..
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