AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


Bien sûr, nous la connaissons tous plus ou moins cette pièce ; nous l'avons tous plus ou moins subie ou adorée à l'école (au collège en particulier). Cependant, dans nos années " matures " (c'est-à-dire en nos années " ridées "), il ne nous en reste bien souvent qu'un souvenir très vague ou une réminiscence tellement ténue qu'il nous est parfois bien malaisé de s'en faire encore une idée fiable.

J'ai constaté cet état de fait auprès de plusieurs de mes amis et ai été incitée à me replonger dans Le Bourgeois Gentilhomme par les remarques d'un lecteur sur Babelio ce qui m'a permis de redécouvrir le fameux Monsieur Jourdain.

Bien évidemment, il y a des petits côtés désuets chez Molière, la mécanique est parfois lourde et très insistante, notamment dans les quiproquos, mais il y a aussi et surtout de ces finesses qui demeurent intactes et que les siècles n'érodent pas.

Ainsi, les premières scènes avec les maîtres de danse et de musique font dans l'épaisse caricature, en revanche, la scène 4 de l'acte II avec le maître de philosophie, était, reste et demeurera vraiment hilarante pour des siècles et des siècles.

En deux mots, M. Jourdain est nanti d'une richesse matérielle incalculable fruit de son activité de commerçant, et, désireux de s'élever socialement, ne jure que par les artifices de la noblesse. Son esprit étroit lui laisse trop peu d'espace pour se rendre compte que tous se payent sa tête et ne jurent, quant à eux, qu'en l'argent qu'ils arrivent à lui soutirer pour de prétendues leçons d'éducation aristocratique.

Mais le comble du comble, c'est Dorante : un gentilhomme de naissance sans le sou, qui puise abondamment dans la bourse de Jourdain, prétextant le servir et ne servant, bien évidemment que ses propres intérêts, au détriment de Jourdain même. Cherchez bien dans votre entourage, il doit bien y en avoir un ou deux des comme ça, n'est-ce pas ?

Parallèlement, Lucile, la fille de Jourdain, souhaite épouser Cléonte, garçon de bonne famille mais pas assez " gentilhomme " au goût de Jourdain, qui lui refuse donc sa main. Une nouvelle fois, cette situation sera prétexte à duperie pour le pauvre brave bougre, qui se retrouve tout content de se faire rouler une nouvelle fois dans la farine par l'ensemble de ses proches.

Elles sont nombreuses les morales de cette fable théâtrale, bien que la plus évidente, ressemble à s'y méprendre à celle de son contemporain La Fontaine dans Le Corbeau et le Renard : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute. »

Cependant, on y lit en filigrane d'autres moralités, notamment que l'honnêteté ne paye pas car Cléonte, honnête, se fait éconduire par le beau père tandis que pour le même Cléonte, travesti, on déroule le tapis rouge. Dorante, infâme coquin haut perché, s'en tire toujours par une pirouette.

Cela pourrait encore être : « Ne cherchez pas conseil auprès de ceux qui, tout professionnels qu'ils soient, ont des intérêts dans la réponse qu'ils apportent. » (Souvenez-vous de ça quand vous irez chez le dentiste, quand vous ferez repeindre vos murs ou que vous demanderez conseil pour changer vos robinetteries, par exemple).

L'hypocrisie et le délit d'initié (au sens large du terme, pas au sens boursier) sont les terrains de chasse favoris de Molière. Mais il y a aussi une autre dimension. Suite à la Réforme, le XVIIème siècle est le témoin de la montée en puissance de la bourgeoisie. La vieille aristocratie a encore les reins solides pour quelques temps, mais elle pliera inéluctablement à la fin du XVIIIème par la Révolution que l'on sait.

On ne sait donc qui est la dupe de qui. Sont-ce les bourgeois étrillés dans cette pièce ou sont-ce les nobles désargentés qui rient et négligent ce qui fera pourtant leur perte ? Molière était bien assez malin pour flatter ses mécènes tout en pensant exactement le contraire. Le fait est que, depuis le XIXème siècle, ce sont les bourgeois qui rient et se moquent copieusement des manières guindées de la vieille noblesse archaïque.

Et de ce que je perçois du monde, j'ai le sentiment que les bourgeois ont encore quelques beaux jours devant eux avant qu'une autre catégorie sociale ne prenne les commandes et ne s'empresse de faire exactement la même chose que la noblesse et la bourgeoisie avant elle...

Mais, donc, pour revenir à la pièce qui nous occupe aujourd'hui, je considère que le test de passage est réussi pour ce Bourgeois Gentilhomme et ce en dehors de toute contrainte scolaire me concernant.

En outre, ce n'est là que mon avis extraordinairement roturier et de peu de manières, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1452



Ont apprécié cette critique (117)voir plus




{* *}