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Critique de WalterBeauharnais


Molière: Un dramaturge légendaire

Jean-Baptiste Poquelin dit Molière est né à Paris et baptisé le 15 janvier 1622 en l'église Saint-Eustache.
Fils de Jean Poquelin, marchand tapissier, et de Marie Cressé, le jeune Molière appartient à la caste des bourgeois riches, vivant dans l'aisance et le confort. Malgré la situation favorable dans laquelle Molière grandit, il est profondément marqué par les morts successives au sein de sa famille.
Sa mère meurt à ses dix ans, son frère cadet, Louis, est emporté par la petite vérole à l'âge de onze ans, ainsi que sa soeur Marie, morte à cinq ans.
Sa passion pour le théâtre va commencer très tôt, lorsque son grand-père l'emmène voir des pièces dont la plupart se déroulent sur les places publiques et dans les foires.
Après des études au collège de Clermont (l'actuel Louis-Le-Grand) où il apprend les mathématiques, la philosophie, la danse et l'escrime, il se lie d'amitié avec le philosophe Pierre Gassendi et devient son disciple. L'oeuvre de Molière, teintée de Gassendisme, est un mélange entre la philosophie atomistique, proposant un univers discontinu composé de matière et de vide, d'épicurisme et de scepticisme. En effet, le dramaturge s'intéresse beaucoup au poète latin Lucrèce, auteur de l'oeuvre «De rerum natura» qui était disciple d'Épicure au Ier siècle av. J.-C.
Un mystère rode sur l'enfance de Molière ainsi que sur ses études, car les seuls témoignages viennent de l'oeuvre de Jean-Leonor le Gallois, sieur de Grimarest, qui écrivit une «Vie de M. de Molière » en 1705.
Mais les sources s'avèrent fiables car Grimarest a conversé avec des proches de Molière tels que Jean Racine, Esprit-Madeleine Pocquelin et Michel Baron qui fut son élève.

En 1642, Molière délaisse le métier d'avocat qu'il n'a pratiqué que cinq mois et revient à Paris ou il accepte de remplacer son père en tant tapissier du Roi.
Puis, en 1643, il rompt les liens avec son père et se consacre au théâtre jusqu'a sa mort.

Le dramaturge choisi le pseudonyme de Molière et commence sa carrière théâtrale à l'âge de 21 ans.
Il va s'associer avec la famille Béjart, mais la troupe qui porte le nom de «L'illustre Théâtre» va connaître des débuts difficiles. Les premières représentations ont lieu dans des salles de jeu de paume sur la rive gauche au Faubourg Saint-Germain et le répertoire de la troupe se compose essentiellement de tragédies et de tragi-comédies.
Mais la troupe croule sous les dettes et Molière est emprisonné en 1645. Il est libéré grâce à l'amabilité de son père qui verse une caution, et part avec sa troupe en province de 1645 à 1658.
De retour à Paris en 1658, et malgré des représentations dénuées d'expérience des pièces de Corneille (Nicomède et Cinna) que Louis XIV excuse, la troupe obtient la protection de son frère, Philippe d'Orléans.
La pièce «Les précieuses ridicules »remporte un succès et Louis XIV soutient Molière contre ses détracteurs. Cependant, le prince de Conti, un ancien ami et protecteur de la troupe va exprimer sa volonté d'interdire les pièces de Molière. En effet, ce dernier se converti à une vie de «Chrétien authentique»,que Molière sait n'être que pure hypocrisie, et va donc devenir hostile au théâtre.
Si au XX siècle, période de déchristianisation violente, les lecteurs lisent Dom Juan ou tartuffe comme des brûlots anti-chrétien, la lecture que nous pouvons en faire est beaucoup moins simpliste.
De toute évidence, nous pouvons dire que l'oeuvre de Molière apporte une réflexion sociale qui va inspirer durant le siècle des Lumières un philosophe tel Diderot et son fameux « Supplément au voyage de Bougainville. » écrit en 1773.



La pensée de Molière

La pensée de Molière au sujet de la religion est sujet à diverses interprétations de la part de ses biographes. Tout d'abord, si nous désirons mieux comprendre l'oeuvre du dramaturge, il faut replacer l'homme révolté qu'était Molière dans le contexte de son époque. Mais, pour tout lecteur désirant comprendre l'homme, il suffira seulement de lire la préface de sa pièce «Tartuffe» écrite en 1663. Molière nous dit très explicitement «Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été longtemps persécutée(…)Les marquis, les précieuses, les cocus et les médecins ont souffert doucement qu'on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout le monde, des peintures que l'on a faites d'eux; mais les Hypocrites n'ont point entendu raillerie; ils se sont effarouchés d'abord, et ont trouvé étrange que j'eusse la hardiesse de jouer leur grimaces(…) suivant leur louable coutume, ils ont couvert leurs intérêts de la cause de Dieu». Ce n'est donc pas la religion qui dérange Molière, car il nous dit que ces faux dévots servent leurs intérêts en utilisant le prétexte de Dieu et que ce dernier n'a rien avoir avec les vices des Hommes. Molière pensait que l'homme est naturellement bon et que la société l'est aussi. À condition, bien sur, de rester soumis à la règle de la juste mesure, aux lois du bon sens et d'échapper à l'empire des passions pernicieuses. Les conceptions de morales de Molière critiquent ces hommes qui sous l'influence de leurs passions, s'écartent du bon sens général, et c'est cela qui pousse le dramaturge à vouloir, par le rire, les corriger. Par sa critique de ceux qui se servent de la religion pour leurs propres intérêts, du rigorisme et des hypocrites, il lutte pour le maintien d'une religion modérée et humaine, respectueuse de l'homme dans sa diversité.
Que Molière fut croyant ou non, cela à peu d'importance, mais il avait de toute évidence compris les écritures saintes mieux que certains, car le prophète Matthieu ne nous dit-il pas «Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours, afin d'être vu des hommes.». Être croyant pour Molière est une affaire entre Dieu et le croyant, aucun mortel ne peut juger autrui. En résumé, pour l'auteur, utiliser Dieu à des intérêts privés est abject.


Exemple d'anachronisme de l'oeuvre de Molière propre à l'analyse des Romantiques.

L'intérêt de toute l'oeuvre de Molière est certes d'instruire et de divertir, mais si nous y regardons de plus près, son but réside dans la dénonciation d'une société aliénante, qui oblige les hommes à se travestir et porter un masque social. Tout comme Diderot qui avait compris le phénomène de globalisation et de mondialisation dans le «Supplément au voyage de Bougainville» par sa critique de la colonisation, Molière avait compris que les sociétés nous poussent à adopter des comportements contraires à notre nature .
Nous constatons par cette comparaison que les deux auteurs ont une pensée similaire sur le fait que les hommes inventent des lois qui vont à l'encontre de la nature et rendent les hommes coupables ou malheureux, victimes de crimes artificiels. Si nous approfondissons la comparaison de la pensée des deux auteurs, les mêmes questions peuvent ressortir de leurs oeuvres: Pourquoi les sociétés se sont elles développées en multipliant des codes contradictoires? Peut-on vivre en paix dans une société avec des codes aussi contradictoires? Ou nous faudrait-il être Tartuffe (hypocrite) ou bien Sganarelle (couard) pour y survivre? Molière nous suggère-t-il que la vie publique n'est possible qu'en hypocrite? Toujours est-il que dans la préface de Tartuffe, Molière nous dit «J'ai mis tout l'art et tout les soins qu'il m'a été possible pour bien distinguer le personnage de l'hypocrite d'avec celui du vrai dévot» . La vie en société est donc possible pour les honnêtes gens, mais elle reste difficile si les puissants ne le sont pas.

1: Ce petit paragraphe est un exemple de surinterprétation et d'anachronisme. L'anachronisme dans une oeuvre artistique ou littéraire est une erreur volontaire ou involontaire qui consiste à placer un concept ou un outil inexistant à l'époque illustrée par l'oeuvre. Dans l'oeuvre de Dom Juan, l'anachronisme est souvent tentant et on l'use par facilité d'interprétation. Molière n'était pas un matérialiste, un antireligieux ou un athée, cependant, il a attaqué l'hypocrisie des faux dévots. Il est donc incohérent de le considérer comme un libertin du 18ème.

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