Citations sur Reconstruire sur les ruines du capitalisme (11)
Le divertissement peut aussi nous aliéner les uns des autres. Alors que nous avions pour coutume de nous asseoir autour du feu pour parler et chanter en regardant le vacillement des flammes, les lumières et les voix sont aujourd'hui enfermées dans différentes boîtes. La télévision, même si elle faisait parfois taire les conversations, était une activité collective, à ses début du moins. Aujourd'hui, son public se compose souvent d'un unique individu. Nous passons des heures à regarder d'autre personnes faire ce que nous pourrions faire nous mêmes : danser, chanter, faire du sport, et cuisiner.
En revanche, on aura plus de chance de mobilier toutes les franges de la population avec des activités qui requièrent peu de participation. Dans l'idéal, elles permettent aux intéressés de venir filer un coup de main de temps à autre, sans forcément y consacrer beaucoup de temps ou d'énergie ou s'engager à participer à plus d'une séance. Cuisiner et manger entre voisins peut être un premier pas. C'est une activité au fondement de l'établissement de la société : à l'origine, un "compagnon" est quelqu'un avec qui on rompt le pain, puisque le mot vient du latin com, "avec" et panis "pain". Cette convivialité peut en outre avoir des effets secondaires positifs : échange d'astuces culinaires, économies, alimentation plus saine, etc.
Les rues étaient auparavant des communs, où les enfants jouaient pendant que les adultes discutaient. Mais les voitures son venues occuper cet espace que les citadins consacraient à d'autres usages. Elles ont étouffé les conversations et, en créant du bruit, de la pollution, du stress, nous ont fait battre en retraite dans nos domiciles. Elles lacèrent le tissu social de la rue comme le ferait une lame. L'automobile, j'en suis convaincu, et quoiqu'on lui reconnaisse peu souvent ce rôle, est un puissant agent de changement politique.
L'époque qu'annonçaient les intellectuels qui nous ont précédés dans laquelle la majorité de l'humanité serait éduquée et disposerait de suffisamment de temps de loisir pour pouvoir réfléchir aux grandes questions de la vie, n'est pas advenue, et semble même irréelle. Ce que nous voyons plutôt, ce sont des millions de personnes qui se retirent dans des mondes virtuels fantastiques, où domine l'auto-création.
Les conteurs sont ceux qui détiennent le pouvoir.
Sous Clinton, le parti sembla oublier l'avertissement émis par Louis Brandeis, juge de la Cours suprême et pilier démocrate de la première moitié du XXème siècle : " Nous pouvons jouir de la démocratie, ou voir la richesse concentrée entre les mains d'une poignée de personnes, mais c'est l'un ou l'autre."
Le désespoir est l'état dans lequel nous nous retrouvons lorsque notre imagination est dans une impasse. A défaut d'histoires qui décrivent le présent et esquissent l'avenir, l'espoir s'évanouit. L'échec politique est, en substance, un échec de l'imagination.
En nous unissant pour redynamiser la vie de notre communauté, nous, héros de l'histoire, nous pouvons rompre le cercle vicieux. En invoquant les deux grandes force de guérison - le vivre ensemble et l'appartenance - nous pouvons redécouvrir le cœur de notre humanité : l'altruisme et la solidarité.
En rebâtissant notre communauté, nous renouvellerons la démocratie et l'espoir que nous y plaçons. Nous instaurerons des systèmes politiques qui ne seront plus disproportionnés mais au plus près de chacun, tout en ayant la robustesse nécessaire pour relever les défis qui s'annoncent. Nous construirons quelque chose que, paradoxalement, nous ne pouvons pas mettre en place seuls : l'autonomie. En nous aidant les uns les autres, nous nous aidons nous-mêmes.
La disparition d'une ambition commune nous fait perdre de vue notre pouvoir en tant que forces du changement. Nombreuses sont les personnes qui, dans les dernières années, ont cessé de croire à la promesse de la démocratie, soit à l'idée que, par le vote, par la mobilisation et le militantisme, nous pouvons faire en sorte que nos systèmes politiques soient au service de tous plutôt que l'apanage d'une élite. Nous avons affronté les crises avec passivité et résignation.