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Critique de JacobBenayoune


Rédiger un commentaire sur ce livre est une tâche difficile. Ce n'est pas assez que de percevoir en lui un simple roman épistolaire constitué d'une douzaine de personnages orientaux. Les lettres persanes est un roman encyclopédique :
- Une analyse historique et commentaire original sur les genres de pouvoir politique.
- Une fresque universelle des sociétés occidentale et orientale.
- Un dictionnaire des métiers.
- Une vue sur les diverses religions.
- Un commentaire sur les domaines philosophiques traités par d'autres philosophiques.
- Une critique d'art et surtout de la littérature.

Les lettres persanes est un roman où son héros Usbek quitte ses femmes et voyage avec son ami Rica, de la Perse vers l'Europe et précisément en France où il s'installe. Usbek ressent une terrible nostalgie envers sa patrie et veut revoir ses femmes (ce sujet central n'est qu'un prétexte pour Montesquieu pour d'autres intentions).

Montesquieu a fait une ébauche de son projet ultérieur de L'Esprit des lois. Il traite du despotisme en exposant ses dangers pour le despote, ses inconvénients et les outrages qu'il exerce. de plus, il nous présente les rois –avec toujours cette comparaison Orient-Occident- guidés par leurs ambitions et la bassesse de leurs ministres mais aussi d'un savoir très modeste résultats du mauvais conseil des maîtresses multiples et des confesseurs. Montesquieu semble plus favorable vis-à-vis les républiques qui sont la voix du peuple et sa volonté (toujours selon lui). Après, il vient aux gouvernements dont les plus doux sont les plus parfaits, et aux ministres source de la corruption des rois qui seront parfaits étant de bonne foi et conscients de leur responsabilité.

Par ailleurs, Montesquieu décrira son idéal des lois et les règles selon lesquelles elles doivent s'établir. Pour lui les peines doivent être modérées et justes. Il fera une ample présentation de la justice, sa définition, son rôle, son importance et ses critères de réussite. Montesquieu trouve l'occasion aussi de mettre à nu les avocats et leurs manoeuvres, de faire le portrait des juges et de ridiculiser les jurisconsultes qui manquent d'esprit et de justesse.

Dans son roman, Montesquieu n'oubliera pas la littérature. Pour lui les poètes dramatiques sont supérieurs aux poètes lyriques, les épopées sont rares (il n'y a que deux). Il décrira la vie des comédiens et leur détresse. Mais il est hostile aux romans et n'épargne pas l'art, pernicieux et enseignant la mollesse.

Les lettres persanes présente un débat sur les religions où l'auteur décèle leurs misères et leurs grandeurs. Il se réfère surtout aux adeptes de ces religions qui se plaisent à transgresser leurs commandements. Il esquissera de nombreuses questions métaphysiques comme l'existence de Dieu et sa bonté, la liberté de l'homme… et montrera la limite de la raison humaine.

Ce roman épistolaire est aussi un véritable dictionnaire des métiers : médecins, juges, avocats, évêques, acteurs, financiers, interprètes, militaires, marchands, astronomes, scientifiques, orateurs, paysans… et des conditions : esclaves, eunuques, maîtresses des rois, bourgeois, vieux, femmes (qui tiennent une place importante dans le roman)…

Montesquieu fera un vol sur plusieurs peuples, portugais, français, espagnols, turcs, persans, romains, grecs... faisant une description de leurs moeurs, caractères et spécificités, tout en rapportant plusieurs faits historiques. le roman contient beaucoup d'anecdotes aussi.

Tout cela dans une prose admirable, l'une des meilleures de la littérature française. Ce qui fait de cette oeuvre l'un des plus grands romans.
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