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Critique de BazaR


A tort ou à raison, quand je choisis de lire un Moorcock c'est avant tout en espérant me détendre grâce à une histoire fantasy pleine d'action, de bruit et de fureur avec un léger petit fond à message, comme le fond de fruit sous certains yaourts. Je ne m'attends pas à réfléchir beaucoup sur ce que je lis.
Eh bien là mon espoir est tombé sur un os nécessitant réflexion.

Erekosë est rappelé sur Terre (enfin, une Terre), guerrier légendaire ressuscité afin de sauver une humanité aux abois menacée d'extinction par les horribles Xenans. Mais le guerrier ne se souvient guère de sa première vie. Il a au contraire la certitude d'être un banal individu lambda de notre Terre, John Daker, déplacé et réincarné dans un monde qu'il ne connait pas.

S'aidant d'une narration à la première personne maitrisée, Michael Moorcock parvient à synchroniser l'évolution des convictions du lecteur à celle d'Erekosë (en tout cas ça a fonctionné comme ça pour moi). Au début, le guerrier m'a fait l'impression d'une coquille vide, sans personnalité propre et atteint d'une espèce de schizophrénie multiple s'éveillant dans ses rêves. Mais petit à petit Erekosë trouve ses marques. Il commence à faire ce pour quoi il est venu. Mais il ne peut s'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de l'Humanité, au moment même où le lecteur se pose la question. Moorcock ne nous aurait donc pas concocté un monde manichéen ?

La personnalité qui se cristallise chez Erekosë est celle d'un chevalier courtois, adepte des lois de l'honneur et du respect de l'adversaire. Il est guerrier, mais pas barbare. Pourquoi, lorsqu'il se rend compte tous les humains ne partagent pas ce code, fait-il ce serment profondément stupide menant au carnage absolu ? J'ai retourné la question un moment. J'ai pensé à un Deux ex machina – Moorcock déviant le flot naturel de l'action, la forçant à aller là où le souhaitait même si cela ruinait la cohérence du récit. Peut-être mais peut-être pas. Peut-être simplement sa nature profonde de Champion de l'Humanité l'oblige-t-elle à agir ainsi. Il n'a jamais été question qu'Erekosë fasse germer une personnalité propre ; il est là seulement en tant que réceptacle de la mort de l'ennemi des hommes. Et dès qu'il étouffe sa personnalité pour agir en automate du destin, ses rêves fous disparaissent.

Mais ce n'est pas ça non plus. Personnalité propre et incarnation du Destin continuent à lutter en lui. Il se raisonne, change. Mais à nouveau il ne peut faire autrement que porter le carnage. de fait, les maîtres de la Loi ou du Chaos qui l'ont envoyé ici se fichent bien de l'humanité. Seul compte le massacre. Et leur gentil pion ne doit pas se poser de question s'il veut être « en paix » avec lui-même. de coquille vide, Erekosë finit en personnage complexe, tragique et déchiré.

Peut-être ai-je trop intellectualisé cette aventure. Car il y a de l'action, beaucoup. Et on peut aussi lire ce récit au premier degré. Mais ces réflexions se sont imposées à moi. Je ne m'y attendais pas et j'en suis ravi.
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