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Critique de Notos


JÉRUSALEM, CATHÉDRALE D'UNE FOLIE GÉNIALE

S'il existe un endroit où se rejoignent histoire et créativité, ésotérisme et science, amertume et tendresse, sagesse populaire et folie ordinaire, alors cet endroit occupe un espace d'une trentaine de centimètres carrés, sur un volume de quelques 1266 pages empilées, et on l'appelle Jérusalem.

Pour présenter son livre, Alan Moore a expliqué qu'il n'était pas un globe-trotter et que les déplacements latéraux, à la surface des trois dimensions, l'intéressaient moins que les voyages verticaux, en profondeur, au coeur des habitants d'un même lieu et de leurs histoires communes. C'est accrochés à ce fil rouge audacieux que l'on est plongés dans le quartier des Boroughs de sa ville natale Northampton, comme un appât jeté là pour piéger les chimères hallucinées de Moore.

L'auteur nous livre une rhapsodie millénaire où les siècles se mêlent, s'entrechoquent se répondent : il aura fallu 10 ans à ce génie des récits croisés pour tracer ce qui est, incontestablement, une œuvre d'une puissance mûre et profonde. L'ouvrage qui en résulte ne pose pas mais n'est pas une lecture facile, ne vous prend pas par la main, mais si vous le suivez et prenez la sienne, il ne vous lâchera plus.
Il y a peu de livres qui contiennent autant d'intensité qu'il en devient presque écoeurant, embrassant le rêve et le cauchemar d'un même geste : il y a peu de livres qui débordent autant de vie.

Chaque chapitre est un pan d'histoire, avec ses personnages, son style (mention spéciale au chapitre rédigé dans une langue qui n'existe pas), son décor, en un mot son épaisseur, en apparence autonome. Petit à petit, le lecteur médusé se laisse porter, et commence à distinguer un dessin général, comme l'on distingue des formes à peine réelles lorsqu'on fixe longtemps un plafond d'apparence négligée.

Plus on avance, plus on perd pied, plus on comprend, plus on sombre. Critique politique, drame social, saynète historique, récit initiatique et farce picaresque : il n'y a pas d'étiquette qui colle à Jérusalem, ou alors elles y collent toutes.

L'unité de l'oeuvre, et ce qui la rend si puissante derrière la maestria du style, c'est la tendresse qui imprègne chaque ligne, une tendresse bourrue, parfois ironique, souvent mordante, mais toujours vraie, pour le quartier de Moore, ces Boroughs éternalisés à tout jamais par la lutte homérique de l'écrivain : "Tôt ou tard les gens et les endroits que nous aimons disparaissent, et la seule façon de les sauvegarder c'est l'art. C'est à ça que sert l'art. Ça sauve toutes choses du temps".

Chapeau, l'artiste.
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