La mère de Clarice estimait qu'une femme bien élevée se distinguait selon trois critères: une mise impeccable, une élocution digne d'une débutante de la côte Est, et une capacité à se laisser mourir de faim au nom de sa silhouette.
Tu sais, je ne crois pas beaucoup aux miracles. Ce qui doit arriver arrive, et vice versa. Et on s'adapte aux événements, ou pas.
Hum, il faudra que j'y réfléchisse. J'aime bien l'idée d'un bon petit miracle de temps en temps.
Tu avais quoi, vingt ans, quand tu l'as rencontré ? A l'époque, tous ceux qui avaient plus de trente ans nous paraissaient des vieillards.
Durant mon séjour, j'appris que si l'on veut vraiment connaître les détails de la vie des gens, il suffit de tomber dans le coma. C'est comme ouvrir un confessionnal et inviter tous ceux qui passent à y entrer. Les gens n'arrêtaient pas de venir me voir et de m'avouer des choses qu'ils n'auraient pu me dire dans les yeux.
- J'y ai pensé, mais je me suis dit :
Si j'appelle, ils vont se sentir obligés de passer. Et le pasteur suivra, les pompes funèbres, et peut-être les petits-enfants. Avec tout ce monde et toute cette agitation, je ne pourrai pas fermer l'oeil de la nuit.
Donc, j'ai réfléchi, et j'ai pensé que si je passais une bonne nuit de sommeil, ton père serait tout aussi mort le lendemain matin. Alors j'ai dormi et je l'ai laissé comme ça.
Clarice ne ferait jamais la moindre réflexion à Barbara Jean sur ses habitudes vestimentaires, et nous le savions toutes deux. De la même manière, Clarice et Barbara Jean ne me diraient jamais en face que j'étais grosse, et nous ne rappellerions jamais à Clarice que son mari se tapait tout ce qui bougeait. Entre Suprêmes, nous nous traitions avec beaucoup de délicatesse. Nous fermions les yeux sur les défauts des autres et faisions preuve de prévenance, même quand cela n'était pas mérité.
Cela faisait presque quarante ans - depuis le temps où l'on avait commencé à les surnommer "les Suprêmes" - que Clarice et ses amies se retrouvaient Chez Earl à cette même table devant la baie vitrée. A l'époque, Little Earl avait un béguin monstre pour chacune d'entre elles, et il avait tout fait pour les séduire en leur offrant des Coca et du poulet frit à volonté.
"Elle venait de faire le premier pas vers une vie nouvelle, une vie qu'elle méritait. Mais elle n'avait pas prévu ce que Dieu, ce joyeux farceur, lui réservait pour la suite."