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Critique de Root


Root
28 septembre 2019
Berlin, 1961. Katia n'est encore qu'une toute petite fille lorsqu'un mur surmonté de barbelés se dresse au milieu de sa ville. Fille d'un jeune couple communiste qui a fui l'Espagne de Franco, elle ne comprend pas tout, bien sûr, mais sait qu'il y a des interdits, des dangers à les braver, et des sujets qu'on n'aborde pas sous son toit. Jamais. Intelligente et espiègle, Katia grandit sans encombre. Rêveuse, elle se laisse aller à imaginer ce que serait la vie, de l'autre côté.

Elle est presque une femme lorsqu'elle rencontre Johannes. Une rencontre romanesque, aux allures d'amour maudit – Johannes vit en Allemagne de l'Ouest. Il est entreprenant et semble savoir ce qu'il veut : libérer Katia du joug de la RDA, et lui offrir une existence meilleure. Il ne lui faudra pas longtemps pour céder et s'enfuir avec lui sans prévenir qui que ce soit. Mais l'herbe est-elle toujours plus verte ailleurs ? Est-il possible de laisser famille et amis sans se retourner, sans remords ? Effervescente et insouciante, Katia n'a pas réfléchi aux conséquences…

Peut-on ajouter des histoires à L Histoire ? Oui, on peut tout faire. Mais il n'est pas évident de bien le faire, d'utiliser des faits immuables à des fins fictionnelles en restant crédible. Aroa Moreno Durán, avec ce premier roman, relève le défi haut la main. Je l'ai lu d'une traite.

En s'affranchissant du manichéisme et du jugement, l'auteur propose des personnages ambivalents et intéressants. On s'imagine aisément à la place de l'héroïne, sans savoir quel aurait été notre choix : espérer, se résigner ? Je n'ai pas toujours su dans quelle voie l'encourager mais j'ai été bien incapable de la blâmer, un trouble qui m'a vraiment fait apprécier ce livre. Nulle part, elle ne semble trouver sa place : « fille de », « femme de » ? le contexte historique et politique, vécu à travers les yeux de Katia, jette une chape de plomb sur le récit. À tout instant, on perçoit la restriction, l'interdit, la peur, on « ressent » Berlin, dans des descriptions percutantes. L'exil, à différents niveaux, est abordé avec beaucoup de tact. La fuite, le déracinement, la famille, la construction de soi, les sujets ont déjà été très exploités, mais ont ici une consistance certaine, portés par une écriture qui se joue des codes – quel plaisir !

#lecteurs.com

De l'autre côté, la vie volée est une bonne surprise de cette rentrée littéraire : court (220 pages) et intense.
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