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Critique de Patmarob


« le Chah du Mahboulistan » , publié en 1923, est réédité par les Editions Olizane. L'originalité du livre tient à son auteur, Karagueuz Effendi, et à son genre, le conte oriental version XVIIIème siècle. Karagueuz Effendi est le pseudonyme de Jacques de Morgan. Géologue français, il a entrepris des explorations minières en Asie Centrale à la fin du XIX ème siècle. Il a dirigé des fouilles archéologiques en Perse puis en Egypte , qui sont marquées par des découvertes importantes. Jacques de Morgan est ingénieur, diplomate, préhistorien … et l'auteur de nombreux articles scientifiques. Ses intérêts et sa curiosité le mènent à écrire des pièces de théâtre, des romans dont « le Chah du Mahboulistan » qu'il publie un an avant sa mort en 1924. Son pseudonyme, Karagueuz Effendi ou « Maître Guignol », donne le ton de l'ouvrage : il s'agit d'une farce parodique, satire de son temps . le lecteur suit les aventures de Saïd'Ali Hussein II," Roi des Rois, Point de Mire de l'Univers, Soleil de la Nuit…." monarque du royaume imaginaire du Mahboulistan, situé entre le Baloutchistan, l'Afghanistan et la Perse. le lecteur suit la vie du potentat, ses décisions invraisemblables et ses idées farfelues. Il découvre, en de courts chapitres, le fonctionnement ridicule et comique de la cour sise à Mahboul, la capitale. La France, l'Angleterre, la Russie, l'Empire Ottoman, l'Allemagne… convoitent les richesses du royaume et rivalisent d'influence. le roi, ruiné par de dispendieux projets, décide de se rendre en Europe pour y contracter des emprunts. Reçu officiellement par la France, le roi est confronté aux quiproquos et incidents qui émaillent son séjour. Les aventures se succèdent qui alternent comique et ridicule. L'auteur parodie les moeurs de la République, son personnel politique mesquin et cupide, il dépeint l'absurdité bureaucratique. Tandis que le roi se jette sur les nouveautés technologiques, une guerre civile éclate au Mahboulistan. L'Angleterre en profite pour y installer ses troupes, le roi est devenu un fantoche. La première guerre mondiale permet un intéressant exposé des jeux d'influence et d'alliance entre les grandes puissances. Les complots provoquent l'exil du roi.
Jacques de Morgan reprend le genre du conte oriental et relie son roman à d'illustres prédécesseurs. Un allemand, croisé sur le bateau, se rattache à la famille des Thunder-ten-tronckh, déjà nommée par Voltaire dans « Candide ». L'étonnement devant les moeurs du monde occidental reprend les Lettres Persanes de Montesquieu. L'imagination est au pouvoir. L'auteur utilise ses connaissances et son expérience pour caricaturer les us et coutumes du Moyen Orient : le goût pour les décorations et les titres que le roi multiplie pour en tirer profit, une lecture littérale des textes religieux, la prévarication sans mesure des ministres et fonctionnaires… La déférence est obséquieuse et maximaliste envers le souverain, très sourcilleux du protocole, « Que je sois la bête sacrifiée de Votre Majesté » marque leur soumission au roi. L'enjeu n'est pas la moquerie mais le grossissement des traits, les réactions inattendues et décalées. La démarche est aussi féroce pour les us et coutumes des politiques et fonctionnaires français, dont l'auteur a pâti. L'argent gère le roman, la cupidité, l'appât du gain anime tous les personnages, tendus vers la possession et l'accroissement de la richesse.
L'édition présentée rend agréable la lecture. La couverture illustre le contenu, la qualité du papier et d'impression sont appréciables. Quelques fautes, cependant, demeurent. La préface de Matthias Hubert apporte un éclairage synthétique et intéressant du roman et de l'auteur.
« le Chah du Mahboulistan » peut être transposé aux temps actuels, ce qui accentue son intérêt à la lecture. Sa réédition permet la découverte d'un ouvrage original.
Merci aux Editions Olizane et à Babelio pour l'opération Masse Critique.




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