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Critique de Alfaric


Avec "Carbone Modifié", Richard Morgan nous offre un thriller cyberpunk d'excellente qualité quelque part entre le film "Blade Runner et le comic "Transmetropolitan". Quoique qu'à plusieurs reprises difficile de ne pas aussi penser au manga culte "Gunnm". On appréciera aussi les clins d'oeil au maître du genre William Gisbon (le bar Cablé) et à "Matrix" (et son célèbre Mr Anderson).

Le concept-clé du roman est fascinant : la digitalisation de la personnalité humaine. Les corps ne sont que des costumes que l'on porte à loisir… seulement si on a de l'argent !
D'un côté on décortique toute une société : économie, justice, criminalité, religion, mode… Si on vous tue, c'est l'Etat qui paye votre résurrection (à moins que vous ne soyez un fondamentaliste chrétien), si vous mourrez dans un accident, c'est votre assurance qui paye votre résurrection (à moins que vous ne soyez pas assuré…).
D'un autre côté on explore les paradis artificiels et les enfers virtuels du temps relativiste car dans la matrice le temps s'écoule plus vite ou plus lentement qu'IRL selon les besoins / goûts des usagers.
Ce dernier concept avait été brillamment traité par la série "Au-delà du Réel", l'aventure continue dans l'épisode 2x22 intitulé "La Sentence"


Takeshi Kovacs est excellent en détective blasé qui cultive esprit rebelle et humour noir. Dommage qu'on en apprenne sur lui que lors de ses bad trips incompréhensibles. A ses côtés on retrouve les classiques du roman noir : le milliardaire parano, la femme fatale, les flics intègres ou ripoux, la voyoucratie d'en bas et la voyoucratie d'en haut, les nombreuses victimes du système… Bien évidemment pour l'auteur le roman est une dystopie inspirée des affres du néolibéralisme et il ne se prive pas de montrer du doigt un monde de merde et les situations pourries dont on ne peut s'en sortir que par le suicide menant à la Vraie Mort. Si vous êtes immensément riches vous disposez de l'immortalité, de la jeunesse éternelle, de corps modelables à volonté, de psychés modelables à volonté, de paradis pour vos amis et d'enfers pour vos ennemis. Dans le cas contraire vous n'êtes que des ressources humaines corvéables à merci. Si vous êtes utiles vous vivrez plus longtemps et disposerez d'ersatz de luxe, si vous êtes inutiles vous n'êtes même pas considéré comme un être humain.
Le futur n'est jamais aussi flippant que lorsqu'il ressemble au présent.

L'auteur exploite à fond son concept quasi dickien mais si le background reste un peu limité, on est très prolixe niveaux cul, gore et substances psychotropes illicites sur lesquelles on est aussi explicite qu'intarissable. Force est de reconnaître que l'auteur excelle dans le gritty style : difficile de faire mieux ! Bref un esprit très sex, drug and rock'n'roll sur lequel planent clairement les mânes de Jimmy Hendrix (le fantôme de Jimmy de Soto hante les bad trips du narrateur tandis que l'IA de l'hôtel Hendrix sert à plusieurs reprise d'ange gardien audit narrateur).

Là où le bat blesse un peu, et c'est uniquement pour cette raison que le roman n'obtient pas 5 étoiles, c'est qu'on sent des trucs forcés pour emmener l'antihéros là où il veut le voir sévir dans les scènes d'action bien bourrines et les scènes de cul bien voyeuristes.

Richard Morgan nous embrouille et s'embrouille tellement qu'il est obligé de recourir plusieurs fois aux grosses ficelles des intuitions diplos qui sont autant d'épiphanie à la "Docteur House" (on navigue à vue, et puis on se souvient qu'on a une énigme à résoudre, on observe un détail insignifiant et paf eureka : 1 fois cela marche, 3 fois de suite c'est carrément la construction de l'intrigue qui est bancale).
Et si le final de la mission d'infiltration dans un palace flottant avec enveloppement multiple est tout simplement génial, j'ai quand même envie de me dire (ne pas spoiler, surtout ne pas spoiler) tout ça pour ça !

C'est clairement rythmé et testotéroné, bref endiablé : c'est très bon de bout en bout. Les amateurs de cyberpunk peuvent y aller les yeux fermés.
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