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Ce que les poèmes disaient véritablement, c'était " cette personne merdique que je suis en train de décrire, c'est moi, mais j'en veux plus. Vous pouvez l'avoir si vous voulez, je vous la donne, prenez-la, partez avec." J'avais l'impression que ce qui m'avait mené à la poésie, ce n'était pas d'avoir réussi dans la vie, mais plutôt d'avoir échoué.

L’hiver, c’est terrible. Chaque jour ressemble vaguement à un mercredi, et n’importe quelle heure du jour ressemble vaguement à quatre heures de l’après-midi.

La réalité était une sorte d’insomnie, toujours présente, juste là, dérangeante, dans mon lit, au parc, dans chaque raton laveur, derrière les vedettes de cinéma dans les bandes-annonces, là, existant, fluctuant, refusant de me dire ce qu’elle voulait de moi, refusant de me parler, une sorte de torture.

Tout le monde est toujours soûl. J’ai pas besoin de paraître sensée. Tout ce que j’ai à faire, c’est désirer quelque chose.

Les pensées négatives éjaculaient partout sur mon lobe frontal alors que du vieux sang fatigué circulait dans mon corps, comme s’il s’agissait de montagnes russes désuètes et ennuyeuses. Chaque semaine ressemblait à une version copiée-collée de la précédente : travailler durant cinq jours d’affilée et prendre ensuite une pause de deux jours et recommencer ensuite le même rêve cauchemardesque à l’infini. Je ne me sentais jamais reposé après la pause de deux jours, je me sentais seulement étourdi à cause du changement de rythme.

C’est une bonne métaphore pour décrire le désir, ai-je dit. Tu veux le truc, mais il y a un ravin entre toi et le truc. Et tu vois le truc, il est juste là. Mais tu peux pas l’avoir.

En ce qui concerne l’amour, je me sentais encore comme un garçon de cinq ans qui mélange les fantasmes et la réalité, qui a peur du noir, du bruit. J’avais passé mes années de secondaire à être gauche et peu attirant et à croire que l’amour et le sexe viendraient à moi un jour, que tout ce que j’avais à faire c’était d’éviter d’y penser sans arrêt et de me contenter d’attendre. Depuis ce temps-là, j’avais eu des copines et des relations ambiguës et d’autres choses encore, mais étrangement tout ça avait rebondi sur moi sans laisser de traces. On aurait dit que j’étais encore en train d’attendre, que je continuerais d’attendre, d’attendre en silence, comme si j’étais amoureux de l’attente et que l’attente allait me manquer si je commençais une relation et que je me mettais à ressentir autre chose que de l’indifférence.

Quand j’étais petite et qu’on me demandait de faire quelque chose que j’aimais pas, ma mère me donnait une feuille de papier et un crayon et elle me disait “Dessine ton courage”, et je me mettais à dessiner ce que c’était être courageuse dans telle ou telle situation. J’ai quasiment l’impression que je devrais recommencer à faire ça.

Les gens en arts sont probablement du genre “As-tu vu les formes abstraites que cette grosse conne a montrées en classe ? Je l’haïs, cette grosse conne-là”. Non, t’as raison. C’est probablement la même chose partout. »

Fermer les yeux ne la faisait pas disparaître, parce que ce que je voyais une fois les yeux fermés, ce n’était pas l’absence de la réalité, c’était seulement l’envers de mes paupières.
Je ne pouvais rien faire pour blesser la réalité, lui faire mal. Je ne pouvais pas y mettre le feu, la vendre sur eBay, la gonfler d’hélium et lui dire au revoir en lui envoyant la main tout en m’éloignant dans une Jeep Wrangler vert lime. Je ne pouvais pas me séparer de la réalité. Je serais toujours prisonnier à l’intérieur d’elle.
C’était une sensation désagréable, mais juste quand j’y pensais.