Ni l'un ni l'autre ne montrait la moindre envie de monter au grenier : c'est une chose que les gens font rarement. Mais s'ils y étaient montés, ils y auraient trouvé le diable, baigné d'une lumière bleu pâle. Il voyait et entendait tout.
Les enterrements étaient éprouvants pour une quantité de raisons, mais ce qui le surprenait le plus à chaque fois, c'était d'y voir tant de monde. Les morts seraient sans doute étonnés de savoir qu'ils jouissaient d'une telle estime et qu'ils avaient touché autant d'individus sans le savoir. La mort avait le don de réunir ceux qui ne connaissaient le défunt que de loin. Les gens se déplaçaient toujours.
En matière de police, il n'y a ni Dieu ni diable, ni Bien ni Mal. Ce ne sont pas des monstres. Seulement des gens abîmés.
Comme nous tous, ils se trouvent à l'intersection du mal qu'on leur a fait et de celui qu'ils font.
Un mois plus tôt, quand j'étais venu pour mon entretien, j'avais trouvé que le siège de police ressemblait davantage à un endroit où commettre un crime qu'à celui où en signaler un. On aurait dit un hôpital psychatrique désaffecté.
On peut nous enlever la satisfaction d'avoir un ami ou un collègue que nous aimons beaucoup, mais pas celle d'en avoir eu un.
Une vie après la mort, un sens à tout, un Dieu qui nous observait avec bienveillance ‒ pour moi, tout ça revenait à prendre ses désirs pour des réalités. Les gens qui nous avaient quittés n'existaient plus, sauf dans notre cœur et nos souvenirs. Il n'y avait ni récompense ni châtiment éternel. Pas de plan divin.
Aujourd'hui, il avait passé son temps à écouter et regarder évoluer, en bas, dans la maison, le couple qui ne se doutait pas de sa présence. La fille était arrivée ce matin à 8h45. Ils avaient pris un café ensemble et mangé. Ils avaient discuté. Elle était repartie à 16h15.
Le diable avait entendu et vu tout ce qu'ils avaient dit et fait.
Après le départ de la fille, il avait attendu.
Et attendu.
Il se redressa, ses membres dessinant de longues ombres arachnéennes à la lumière de l'écran. Ce dont il avait besoin (la corde, l'alcool à brûler) était dissimulé dans la chambre d'amis de Simpson. Ne restait que le marteau, qu'il prit avec lui avant de ramper avec agilité sur les poutres jusqu'à la trappe.
Un jour où Simpson était parti travailler, il avait huilé le loquet et la serrure de la trappe donnant sur l'échelle d'acier. Il ouvrit le battant en silence, un rai de lumière venant du couloir barra le grenier, éclairant les toiles d'araignées enroulées sur les chevrons.
Et le diable descendit.
Mais enfin, j'imagine que tout le monde met son mal-être de côté pour présenter son meilleur visage à l'objectif.[...] Il ne faut jamais se fier à ce que montrent les gens. Derrière les sourires et les mines réjouies, il y a tout ce qui heurte, les fêlures, les erreurs et les secrets. Les gens ne vont montrent jamais que ce qu'ils ont envie de vous montrer.
Malgré la fumée qui avait envahi la pièce, le diable constata que Simpson n'avait pratiquement plus de cheveux et que la peau de son visage aveugle avait brûlé, puis éclaté. S'il n'était pas encore mort, ça n'allait pas tarder.
Le diable était immobile, ou presque, le regard rivé sur le petit écran face à lui, en train d'écouter au casque les données transmises par le dispositif de surveillance qu'il avait installé dans la maison