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Critique de bdelhausse


En quelques années, Yascha Mounk est devenu la bête noire des groupes d'extrême-droite et des suprémacistes un peu partout autour du globe. Universitaire brillant, touchant à la philo, à la science politique, l'économie, la sociologie... Mounk essaie d'éclairer les rouages de la démocratie, dont il reconnaît volontiers qu'elle est en crise. Mais aucune alternative à la démocratie n'est envisageable.

La grande expérience, c'est celle de la démocratie multiethnique. Yascha Mounk part d'ailleurs d'une anecdote. Lors d'un passage à la télévision allemande, il s'inquiétait d'être compris dans sa langue maternelle, qu'il pratique peu. Quelle ne fut pas son étonnement le lendemain de constater que l'expression "grande expérience" avait été prise au premier degré par les groupuscules d'extre-droite qui l'accusaient de mener une expérience "grandeur nature" sur des populations entières, non consentantes. C'est bête un facho...

Mounk part du principe qu'une dictature subira moins de tensions dues à la multiethnicité qu'une démocratie. le groupe (minoritaire) dominant dans une dictature n'aura rien à craindre d'un mélange de populations. Pensons d'ailleurs à Tito ou à Staline et aux déplacements de populations. Par contre, et on en a de flagrants exemples dans nos sociétés, un groupe dominant dans une démocratie aura fort à craindre de l'arrivée de populations apparemment différentes, car elles pourraient éroder la domination du groupe historiquement dominant. Yascha Mounk montre en 350 pages qu'il y a peu de fondement à ce genre d'idées, mais que ces idées perdurent et enflent (en périodes électorales, par exemple).

On ne va pas prétendre que la lecture est facile. Même si l'auteur essaie d'être pédagogique et vulgarisateur, c'est un ouvrage universitaire, avec thèse, antithèse, synthèse comme on dit. Les circonvolutions du cerveau de Yascha Mounk sont parfois difficiles à suivre, même s'il récapitule souvent et fait le point sur son raisonnement.

Il va tour à tour examiner l'identité, les discriminations, le racisme, les jeux de pouvoir ou d'affrontement entre groupes, le vivre ensemble, les processus électoraux ou de décision, les politiques publiques... bref un ensemble de facettes de la vie en société.

Mais cela vaut la peine de faire un petit effort. Je suis globalement d'accord avec Mounk. Je pense que vivre en démocratie est un bienfait, non dénué de problèmes, non dénués d'inconvénients, mais que cela vaut la peine de se battre pour que cette grande expérience réussisse. Faire preuve de tolérance, d'empathie, tendre la main, ouvrir l'esprit. Sans naïveté, sans angélisme. Comme le dit Mounk, l'idéal serait que l'individualisation soit la norme, c-à-d que l'on ne classe plus l'autre en termes de religion, de couleur... mais qu'on le considère comme un individu à notre égal. Il sait que cette idée est clairement utopique. Alors autant essayer le vivre ensemble.

J'ai dit que j'étais globalement d'accord. Je ne suis pas d'accord sur tout. Quand il fait l'impasse sur le genre et les luttes qui en découlent. Je tique. Idem quand il n'intègre pas les autres sources de conflits sociétaux comme les changements climatiques et les tensions que cela crée. Ce sont autant de couches qui se superposent et qui ne se traiteront pas en même temps que le vivre ensemble. Mais la pensée de Mounk élève et stimule. En ce sens, c'est vivifiant et tonique. Il ne nous livre pas un discours normé, lénifiant. Il avoue ses doute. Et suggère des pistes. A nous de faire le chemin.

Les démocraties sont en crise. Leurs créateurs n'avaient pas imaginé que les mélanges de populations puissent créer des tensions quant à la légitimité du pouvoir. A nous de régler cela dans le respect d'autrui. Mounk parle de tendre une main vers l'autre en fin de son ouvrage. Je dirai ce que je répète à mes deux gamins: ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fasse. Et les choses iraient déjà pas plus mal.
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