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Critique de SZRAMOWO


Que ce soit dans le justicier d'Athènes, ou dans liquidations à la grecque, le commissaire Kostas Charitos est confrontés à des questions qui outre celles que lui pose l'enquête, empoisonne sa vie quotidienne comme celle de tous les citoyens grecs depuis qu'ils sont dans l'oeil du cyclone de la crise financière.

Les manifestations quotidiennes bloquent les rues d'Athènes dans lesquelles il est pratiquement impossible de circuler :
« Les forces anti-émeutes ont dressé un barrage, une anguille ne passerait pas.»

Les services publics, dont la police voient leurs moyens réduits à la portion congrue, à tel point que les agents essaient de trouver des expédients :
«Tu déclares ouvertement que tu va ponctionner les boites de nuit, Apostolakis ?»
La consommation intérieure s'effondre, à la fois du fait des salaires de plus en plus bas, mais aussi des normes qui doivent s'appliquer et contraignent une activité qui ne peut se permettre le luxe de les appliquer :
« C'est là qu'on achète la marchandise, d'où qu'elle vienne, le plus souvent sans facture, et les autorités ferment les yeux. Les clients sont pauvres, on vend à bas prix et on gagne son pain quotidien. Mais avec les nouvelles mesures, ils veulent faire de nous des Européens, Greek Type.»
«Et voilà l'Etat qui réclame des factures et veut que je paie la TVA. Quelle facture et quelle TVA je vais demander pour de la contrebande ?»

La purge s'applique aussi aux salaires des fonctionnaires qu'aux retraites :
«Ils ont réduit de quinze pour cent ma pension de résistant. Je toucahis quatre cent cinquante euros qui sont devenus trois cent quatre-vingt-trois euros. Quand tu penses que je suis l'un de ceux que les Allemands insultent parce qu'ils ont pris leur retraite à quarante-cinq ans à taux plie ? Ma retraite, je l'ai eue à cinquante-quatre ans. Jusqu'alors j'ai vécu dans la clandestinité ou déporté à Makronissos ou Aï-Stratis, je me suis fait tabasser dans les geoles de la sureté, là où nous nous sommes connus.»

Ses perspectives de promotion au grade de Sous-Directeur, et la retraite qui va avec sont toujours agités par son chef comme une promesse soumise à conditions :
«Ton seul espoir de partir à la retraite avec le grade de sous-directeur, c'est que je devienne chef de la police. Si c'est un autre (...) Et vu qu'ils taillent dans les retraites, tu l'auras dans l'os.»

Kostas Charitos et sa femme, Adriani, sont inquiets de l'avenir de leur fille, Katerina, marié à un médecin, Phanis. Malgré son niveau d'études, elle n'a toujours pas de travail fixe.

L'enquête s'attache à faire le lien entre des crimes de banquiers décapités et les relations que des présumés suspects (débiteurs, expulsés, licenciés) ont entretenus avec les établissements bancaires des victimes. Elle se complique lorsque les murs d'Athènes se couvrent d'affichettes enjoignant les Grecs à ne plus rembourser leurs emprunts bancaires.

De façon classique, c'est Kostas Charitos, lui le flic en dehors du système qui va se jouer de la guerre entre les services de police, obnubilés par des dogmes gouvernementaux et la peur du scandale médiatique, et trouver le coupable.
Guikas veut devenir chef de la police, Stathakos est persuadé de l'existence d'une piste terroriste, le Ministre est prêt à tout accepter tout, à condition qu'il en sorte valorisé.

Kostas Charitos agit, non pas à la manière d'un héros, mais comme un honnête citoyen las des forfanteries des politiques. Un peu à la manière des Grecs qui vivent un quotidien qu'ils organisent tant bine que mal en s'accommodant des contraintes de toutes sortes qui leur tombent dessus.

Pour faire tomber la pression, et décompresser, Charitos a recours à un expédient sympathique, il retourne au vocabulaire en consultant son dictionnaire favori, le Dimitriakos qui lui apprend à regarder les choses sous un angle différent, en un mot à réfléchir différemment, avec sa propre intelligence, sans être pollué par des parasites entre lui et la réalité.
Moments savoureux où il se lit à voix haute les définitions d'emprunt, de banquier ou d'usurier pour comprendre.

Petros Markaris nous rappelle aussi que la Grèce est un pays de migrants. Ses enfants l'abandonnent pour les USA, l'Angleterre ou d'autres pays européens ; reviennent une fois fortune faite se jouant des solidarités nationales, ce qui explique pour partie le délitement de la société grecque.

Polar, mais aussi analyse lucide de la crise financière liée à la multiplication des produits dérivés toxiques, à la domiciliations de société écrans dans les paradis fiscaux, ayant conduit les banques à provoquer la panique financière que l'on sait.
Dénonciation d'une société rongée par les renoncements, la corruption et le laxisme, Liquidations à la Grecque est loin du modèle traditionnel du roman policier.
Kostas agit sans réagir aux contraintes de plus en plus fortes sur l'exercice de son métier. Il trace son chemin, louvoyant entre les obstacles, laissant dire et faire les soutiens d'un système aux abois. Il ne cède en rien aux honneurs, aux faux-semblants, aux apparences mais reste d'une prudence héritée des années de dictature des colonels. il a appris à relativiser. Son chef, Guikas le connait et sait comment lui parler :
«Ecoute Kostas, il y a dans le pays deux sortes de fouteurs de merde : ceux qui cassent et ceux qui gouvernent. Toi le flic, avec lequel es-tu ?
Avec ceux qui gouvernent dis-je à contrecoeur.»

Liquidations à la grecque est aussi une ballade dans les rues d'Athènes avec leurs noms évocateurs, Omonia, Syntagma, Pireos, Evelpidon, Eleftherias, Mitropoleos, Ypsilantou, Monastiriki, Sokratous, Ermou, Patissios, Panormou, Paraskevi.

Et comme d'habitude, Kostas Charitos est entouré de la même équipe, Koula, la secrétaire de Guikas, Dermitzakis et Vlassopoulos les inspecteurs, Stavropoulos, le médecin légiste.

A lire.









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