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Critique de Sachenka


Notre-Dame du Nil est un roman qui se passe de présentation. Il est paru en 2012, je suis donc un tantinet en retard... L'autrice Scholastique Mukasonga commence de façon anodine, en racontant l'histoire d'un collège réputé pour jeunes filles (dont le nom a donné son titre au bouquin), tenu par des religieuses. Perché au sommet d'une montagne près de la capitale rwandaise, à proximité d'une des sources du Nil, à proximité d'un lieu magique. La seule description de l'endroit et de ses environs est propice à l'émerveillement. Mais, graduellement, les événements du dehors viendront troubler la paix qui semblait y régner mais qui n'était qu'une apparence.

En effet, le début du roman est plutôt lent mais cela lui sied. L'autrice raconte l'histoire de ce lieu, sa construction relativement récente (plus mouvementée qu'on ne l'aurait cru, remplie d'anecdotes), puis on se familiarise avec ce lieu en même temps que les jeunes pensionnaires qui arrivent au milieu des années 90. Pour la plupart, filles de bourgeois, de diplomates, de militaires. Pour la plupart, Hutus. Comme elles, on jette un regard sur le collège, on commente les enseignants, surtout les nouveaux, ceux envoyés de France ou de Belgique. Surtout, on retrouve les copines et on papote. Certaines s'inquiètent des amoureux qu'elles ont laissé en ville (c'est l'occasion d'aller voir la « sorcière » locale), d'autres commencent à devenir des dames, leurs parents sont à les marier. C'est ce qui attend Frida, dont le père insiste pour qu'elle passe les fins de semaines à la maison auprès de son fiancé, ce qui est contraire aux règlements du pensionnat. On peut désobéir à la Révérende Mère? C'est la première fêlure.

Si le début de ce roman m'a enchanté, la succession de scènes/tableaux me semblait une jolie évocation de la vie de jeunes filles privilégiées d'un pays d'Afrique centrale. Ne dit-on pas que l'école constitue le microcosme de la société. Mais encore? Après plusieurs de ces tableaux, je me demandais si l'intrigue allait décoller. Je n'irais pas jusqu'à dire que je c'était assomant, loin de là, mais l'ennui n'était pas loin non plus. Surtout qu'il ne semblait pas y avoir une protagoniste : plutôt, on entrait dans le quotidien de ces jeunes filles. Quelques unes se démarquent mais pas tant. Pendant un bon bout de temps, ça m'a empêché de ressentir autant d'empathie que le méritaient peut-être les pensionnaires. du moins, pendant les deux premiers tiers du roman.

Puis, fort heureusement, les choses se mettent à débouler dans le dernier tiers. Une des pensionnaires, Gloriosa, se plaint que la statue de la Madone (la fameuse Notre-Dame du Nil) a des traits qui ressemblent davantage à ceux des Tutsis. Honte! Quand les passions se déchainent dans la capitale, le génocide du Rwanda, leur écho se fait sentir dans le collège également. D'abord, les petites persécutions, les railleries, les mots blessant, visant à faire sentir à la minorité qu'elle n'est plus la bienvenue. Puis, les incitations directes aux meurtres raciaux contre leurs amies de la veille, les Tutsies dont Veronica et Virginia font partie. C'était horrible et poignant à la fois. Ah… ce que la haine et la soif de pouvoir peut amener les gens à commettre de pareilles atrocités!

J'ai lu Notre-Dame du Nil en quelques heures seulement. Je me suis laissé emporter d'abord par cette évocation de la vie dans ce lycée, dans ce pays, ensuite par le rythme effréné des exactions et des horreurs. Malgré le contexte historique complexe et les moeurs locales qui m'étaient étrangères, j'ai suivi sans difficultés cette intrigue que propose Scholastique Mukasonga. Pourtant, il est difficile d'écrire une histoire sur un sujet si lourd. Eh bien, elle y parvient haut la main. Son écriture est si fluide, si simple et, en même temps, si riche. J'ai beaucoup envie de lire autre chose de cette autrice.
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