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Critique de afriqueah



Une ville, imprévisible, insaisissable, talentueuse et dangereuse, immensément riche et à la fois extrêmement pauvre, ravagée par les orages monstrueux de la nature en furie, suivis des pluies équatoriales torrentielles, dévastant tout, les chemins, les voies bitumées, détruisant les cases, déversant les ordures et les boues accumulées : Kinshasa, Kin-la-belle, tenant tête à l'autre capitale de l'autre côté du fleuve Congo: Brazzaville.

Un homme, Victor Muller, muté à Kin, l'ancienne Léopoldville, dans une banque voulant promouvoir la micro-finance. Il est accueilli par les rafistolages de l'autobus depuis l'aéroport dont les portes tiennent, mal, avec du scotch, petit détail sans importance lorsque les couleurs des pagnes, avec fractales et dessins abstraits emplissent les yeux, et la musique du Seigneur Rochereau s'invitent dans les petits malewa, gargotes de plein air tenues par des femmes seules, où l'on peut déguster un bon riz-viande ou de la chèvre grillée.

Un pays, appelé Congo belge, puis Zaire jusqu'en 1997, puis République démocratique du Congo (RDC) : les images de carnages, de famine, d'émeutes et de viol s'imposent à nous.
Mais la RDC , même si la faim et la corruption ravagent le pays, avec la vitalité de sa population, la grande forêt équatoriale, les fêtes le long du fleuve, les changements vers la mondialisation, nous livre aussi une autre image.

Ambiance, qu'avec intelligence et humour, pour donner ses impressions sur ce qu'il a vécu en plusieurs chapitres, l'auteur évoque sans oublier les facettes contrastées de la ville : Ambiance, bière à gogo, sape et, aussi, surpopulation, (17 millions d'habitants à Kin !) inefficacité des moyens de production et des circuits de distribution, chômage endémique, racket fiscal, d'où débrouille obligée.

Famine des shégués, jeunes considérés comme sorciers ou portant le mauvais oeil, abandonnés par leur famille, regroupés en bandes autour du Grand marché, vivant d'expédients, de fauche, de prostitution.

Ambianceurs, où les noceurs se regardent danser dans des miroirs accrochés aux murs, à Matonge par exemple, dont un quartier de Bruxelles a adopté le style et le nom, où les musiques de Seigneur Rochereau, Papa Wemba, Koffi Olomidé, Werrason font danser la rumba ou , plus musclé, le ndombolo.
Et puis il y a les sapeurs, dont nous avons deux exemples sur la couverture : gants à petits pois, pagnes écossais, smoking vert à rayures roses, noeuds- papillons, chapeaux –haut de forme, chaussures assorties aux mitaines, montres et bracelets en or…. Déhanchement digne des précieux, docteurs en sape, puisqu'ils la soigne.

La ville est pleine de pièges, repères essentiels de la jungle urbaine, les policiers improvisant en pleine rue des « douanes » obligatoires, payantes, de faux sens interdits, des barrages imprévus. Donc, rouler vitres et portes fermées, ne pas marcher seul la nuit, et garder son calme, d'autant que l'on peut toujours négocier.
Victor Muller raconte, aussi, la tentative de coup d'Etat du 30 décembre 2013, après lequel ils échouent à l'hôtel Memling, souvenir du peintre flamand. Evènement vécu dramatiquement par lui, et pourtant banal, « émeutes et coups d'état se produisant à une fréquence quasi semestrielle à Kinshasa. »Il n'oublie pas d'évoquer brièvement l'histoire, sanglante, Mobutu-Sese-Seko et Kabila.

Pourtant, dit l'auteur, « si ce recueil a suscité chez le lecteur plus de sourires que d'apitoiement, plus de joie et de curiosité que de tristesse et de dégoût, alors il aura rempli son oeuvre ». J'ai beaucoup souri, je me suis beaucoup souvenue de ces pluies, -image de ces petits éperdus de joie, nageant dans l'eau qui recouvrait les capots des voitures- de ces barrages, des petits boulots, de la débrouille, de la joie de vivre, de la musique, de l'ambiance en un mot, de la corruption des policiers,- l'un me demandant mon passeport, avec kalach comme arme de persuasion, et mettant sans un mot le passeport dans sa poche- Persuasion assurée.
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