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Critique de gerardmuller


La bascule du souffle/Herta Müller / Prix Nobel 2009
Cette chronique terrifiante est la relation d'une histoire vraie qui commence en janvier 1945. Nous sommes en Roumanie où vit une population germanophone établie dans la région de Transylvanie. Une déportation est annoncée puis imposée par l'allié soviétique de la Roumanie, car l'URSS soupçonne ces gens d'avoir soutenu les nazis pendant la guerre.
le narrateur, un jeune homme de dix sept ans répondant au nom de Léopold, est sur la liste des personnes recensées. Il prépare donc ses affaires et attend la police roumaine qui l'embarque dans la nuit et le froid de cet hiver glacial de 1945. Sa grand-mère, lui faisant ses adieux lui affirme qu'elle sait qu'il reviendra des camps.
Enrôlé dans une usine de charbon, puis à la tuilerie, la cimenterie et toutes sortes de travaux forcés, le jeune homme doit se contenter d'un morceau de pain et de deux soupes par jour. le froid, la faim, les poux, la dysenterie, sont le quotidien de Léopold durant cinq ans dans ce camp de travail situé en Russie. La faim en particulier est une obsession, et en guise de cerveau, il n'a plus dans la tête que l'écho de la faim ; il n'y a pas de mots adéquats pour dire la souffrance de la faim. Avec la conséquence : quand la chair a disparu, porter ses nos devient un fardeau qui enfonce dans le sol… « C'était le temps de la peau sur les os, et celui, éternel, de la soupe aux choux, le matin au réveil et le soir après l'appel… Tout ce que je faisais crevait la faim, chaque objet évoquait les dimensions de ma faim… » le froid piquait, la faim trompait, la fatigue pesait, le mal du pays rongeait, les punaises et les poux mordaient.
Léopold se souvient en relatant ses souffrances et son découragement, et vingt cinq ans plus tard, il craint encore l'État et aussi sa famille car il cache un secret qui passe aux yeux du monde d'alors et sur le plan strictement physique, comme étant une vraie turpitude : son homosexualité. Soixante ans après, en écrivant ses mémoires, Léopold se souvient de beaucoup de ses congénères déportés et les cite. Beaucoup d'Allemands moururent durant les hivers avec le froid, les étés avec les épidémies :
« le premier à découvrir un corps doit être débrouillard et le déshabiller vite tant qu'il est encore souple, et avant qu'un autre ne prenne ses habits. Il s'agit d'être le premier à rafler le pain que le mort a mis de côté dans son oreiller. Dépouiller un mort est notre façon de le pleurer. À l'arrivée de la civière, la direction du camp ne doit avoir qu'un cadavre à emporter… Tout l'hiver, on a empilé les morts dans l'arrière cour : on les a recouverts de neige, on les a fait durcir plusieurs nuits d'affilée. Les fossoyeurs, ces paresseux, ces saligauds, ils découpent les cadavres à la hache pour ne pas avoir à creuser de tombes, mais de simples trous. »
La libération intervint en 1950. Retour au pays d'abord puis émigration en Autriche pour Léopold.
D'un point de vue historique, il faut savoir qu'à l'été 1944, une grande partie de la Roumanie alors alliée de l'Allemagne nazie est occupée par l'Armée Rouge. Ensuite, après l'exécution du dictateur fasciste Antonescu, la Roumanie déclare la guerre à l'Allemagne nazie. En 1945, Staline et Vinogradov obtiennent des Roumains que les Allemands vivant en Roumanie viennent oeuvrer pour la reconstruction de l'URSS détruite par la guerre. Tous les hommes et femmes de dix sept à quarante cinq ans furent déportés dans des camps de travaux forcés. La mère de l'auteure y a passé cinq ans. Son témoignage avec celui d'autres déportés a permis d'écrire ce livre publié en 2009. Herta Müller est née 1953 en Roumanie au sein de la minorité germanophone et vit en Allemagne depuis 1987.
Ce livre est avant tout un témoignage minutieux d'un fait de guerre peu connu, un tabou historique pourrait-on dire, une chronique terrifiante. On peut apprécier la part historique du récit, mais trop de longueurs viennent ennuyer épisodiquement le lecteur, et l'auteure, à mon sens, n'a pas su nous rendre Léopold sympathique. Cependant, la valeur documentaire du texte est indéniable.


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