AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Abandonner un chat : Souvenirs de mon père est un récit très court de Haruki Murakami, quatre-vingts une pages, et encore, comprenant les belles illustrations d'Emiliano Ponzi. Mais celles-ci sont parties prenantes du texte, ces dessins m'évoquent d'une certaine manière, dans l'immobilité presque intemporelle des personnages dessinés, l'atmosphère de certains tableaux du peintre Edward Hopper.
Abandonner un chat... Quelle sotte et horrible idée !
Un jour alors qu'il était enfant, le petit Haruki partit avec son père à vélo en tenant une boîte dans laquelle était enfermée une chatte. Ils la laissèrent quelques kilomètres plus loin sur une plage avant de revenir à la maison. Murakami ne se souvient plus de la raison pour laquelle son père avait décidé d'abandonner l'animal mais il se rappelle son visage qui exprima successivement « la stupéfaction, l'admiration et le soulagement » à la vue de la petite chatte qui les attendait à la maison…
Abandonner un chat, lorsque le père du petit Haruki entraîne son fils dans cette cruelle invitation, cela fut-il un acte fondateur pour Haruki Murakami ? Dans son existence ? Dans son existence d'auteur ?
Cette histoire de chat est en effet un prétexte pour poser un regard intime sur son père, ou plus précisément sur la relation d'un fils à son père...
Quatre-vingts pages, c'est si peu pour évoquer un thème qui me touche. Tout est là pourtant déjà, les prémices de cette relation, la guerre entre le Japon et la Chine qui dessine le destin du père. La cruauté de la guerre et les questions d'un enfant sur ce que son père a fait pendant cette guerre, et après aussi...
Le destin tient à si peu de choses... Si son père était mort à la guerre, Haruki-Murakami n'aurait pas existé et certains d'entre nous n'auraient jamais emporté dans leur île déserte des livres inoubliables comme Chroniques de l'oiseau à ressort , par exemple...
Je me suis souvenu alors d'une question naïve que j'avais posé enfant à mon père. « Papa, toi aussi tu as tué des soldats allemands ? » Surpris, mon père ne me répondit pas, j'ai réalisé aussitôt qu'il ne s'attendait pas à une telle question de ma part. Ma mère comme toujours était dans les parages et s'arrangea pour m'éloigner vers ma chambre en disant que j'avais sûrement mieux à faire avec mes devoirs scolaires que de poser ce genre de questions morbides et idiotes. Je n'ai pas entendu l'échange qui s'ensuivit entre mon père et ma mère, le ton est monté, mais j'ai senti que ce n'était pas forcément une question à remettre sur la table et qu'entre-temps elle avait briefé mon père pour qu'il puisse me répondre plus spontanément, du genre : « non, bien sûr, je n'ai jamais tué aucun allemand, mais quelle question ! »... Mon père ne savait jamais mentir et là encore il m'avait attendri...
Abandonner un chat est magnifiquement écrit, mais ce texte me laisse sur ma faim. J'aurais tant voulu que l'auteur nous entraîne dans cette relation à son père, en quatre-vingts pages cela était impossible bien sûr, mais l'auteur est extrêmement pudique sur ce sujet, il me faudra me contenter de ces quelques pages qui donnent tout simplement envie d'élargir un horizon qui m'échappe. Dommage ! J'aurais voulu lire Haruki Murakami parlant de son père sur cinq cents pages. J'y étais prêt. J'avais le souffle pour cela. Dites-moi seulement si cette relation est présente dans l'univers romanesque d' Haruki Murakami. Alors j'y viendrai.
«Je suis le fils ordinaire d'un homme ordinaire». C'est ainsi que Haruki Murakami conclut modestement ce court livre.
Abandonner un chat, abandonner un père, abandonner un fils...
Commenter  J’apprécie          6323



Ont apprécié cette critique (62)voir plus




{* *}