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Critique de colka


colka
21 septembre 2020
Lire ce roman de Murakami : Danse, danse, danse a été pour moi un voyage dans un univers troublant, dans lequel j'ai accepté à l'instar du héros principal d'oublier ou de remettre en question mes repères spatio-temporels et bien d'autres. J'ai eu l'impression de me balader dans un Palais des glaces où je me suis perdue dans un labyrinthe de miroirs déformants dans lesquels les personnages se reflètent étrangement les uns les autres. A commencer par le narrateur. Accablé par une crise existentielle qui le submerge, il se voit comme un raté et traîne avec lui un sentiment d'échec et de vide absolu. Son double inversé : Gotanda, un camarade de lycée, à la réussite sociale éblouissante, puisqu'il est devenu une star de cinéma. Mais lui aussi se perçoit en réalité comme une coquille vide. Troisième personnage tout aussi perdu que les deux autres, Yuki, une pré-adolescente de treize ans, sans liens familiaux structurants et dont on va se rendre compte au fil du roman qu'elle est également un avatar du narrateur au même âge.
L'intrigue autour de laquelle se tisse les liens entre les personnages va se déployer dans un cadre étrange. le "Dolphin hotel" en est le lieu central. Mais là encore la réalité se tord, nous échappe, car l'hôtel devenu "un énorme building de vingt-cinq étages" abrite un lieu énigmatique qui appartient sans doute à un monde parallèle, que le narrateur va découvrir un soir en arrivant au 16ème étage. Un grand trou noir. Ce qui donne lieu à une scène sidérante au cours de laquelle Murakami peint avec une étonnante sensorialité, la perte des repères spatio-temporels, la distorsion des perçus corporels et la sensation de vide intérieur auxquelles le narrateur se trouve confronté. Cette scène est la clé du roman, car il va rencontrer dans cet autre espace-temps, l'homme-mouton : passeur ? entité bienveillante ? ange gardien incarné ? On ne sait pas. Il est doté d'un pouvoir de vision et s'exprime comme un oracle. Danse, danse, danse, sont les mots clés qu'il va livrer au narrateur pour entamer sa quête existentielle, une fois sorti de ce lieu qui peut figurer aussi bien le royaume des morts que les limbes. C'est en tout cas un lieu matriciel dont il va sortir pour s'engager dans un voyage initiatique pour naître ou renaître à lui-même. Un voyage déambulatoire qui n'est pas sans rappeler que Murakami est jazzman et que derrière les variations se cache toujours un thème qui n'est jamais perdu de vue. Dans le roman, il ne s'agit de rien moins que la quête de soi.
Déambulations de nos trois personnages, distorsions de l'espace et du temps, limites poreuses du rêve et de la réalité, existence de mondes parallèles, il faut lâcher prise et se laisser embarquer au côté du narrateur dans une aventure des plus singulières qui prend faussement parfois des allures d'enquête policière. Murakami se plaît à perdre le lecteur et à jouer les magiciens avec tout le talent qui est le sien. Humour et auto-dérision sont souvent au rendez-vous tout comme il sait également faire preuve d'une incroyable délicatesse et douceur dans certaines scènes, notamment celle où il va permettre à Yuki de retrouver la possibilité de pleurer.
Pour conclure, je serais tentée de dire que chacun peut trouver dans ce récit allégorique son propre chemin. Personnellement, je n'ai pu m'empêcher d'y voir la transposition romanesque très libre et réussie - car on est au plus près des émotions et des pensées du narrateur - d'une cure psychanalytique...
Dernière remarque sur le titre que j'aime beaucoup. Il sonne pour moi comme un mantra...
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