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Critique de Osmanthe


Tsukuru Tazaki est un homme de 36 ans qui vit à Tokyo. Certes, il réussit professionnellement, comme architecte qui construit et aménage des gares ferroviaires. Mais dans sa vie privée, il se cherche, manque de confiance en lui. Il est proche de Sara, qui lui plaît et à qui il se confie. Malgré son éternelle indécision, il envisage de la demander en mariage. Mais il lui faut tenter de trouver d'abord son équilibre psychologique, son mal-être remontant à son passé d'étudiant à Nagoya. Il formait alors un groupe d'amis, unis comme les cinq doigts de la main avec quatre camarades qui s'étaient attribués des surnoms de couleurs. Il y avait les garçons Rouge (Akamatsu) et Bleu (Ômi), et les filles Blanche (Yuzu) et Noire (Eri). Lui n'avait pas de couleur, ce qui le ramène à son sentiment déprimant d'être sans personnalité consistante. Mais ce qu'il l'a surtout atteint, c'est d'être un jour brutalement exclu du groupe, sans obtenir d'explications. Il ne les a jamais revus. Il lui faut les retrouver, pour comprendre ce qu'il s'est passé et vivre enfin libéré en envisageant l'avenir. Il va rencontrer d'abord Bleu, puis Rouge, qui sont restés à Nagoya, et ont aussi réussi professionnellement. Ils ne se livrent pas complètement, comme s'ils ne voulaient pas trop revenir sur ce qu'il s'est passé et le jaugeaient. Ils lui apprennent néanmoins que Blanche, qui lui plaisait (le pauvre s'en est masturbé souvent) est morte étranglée, et que lorsqu'ils constituaient encore ce groupe, elle a porté sur lui de très lourdes accusations. Ses interrogations et son malaise grandissant, il ne peut pas s'en tenir là, il lui faut retrouver Noire. Elle est mariée et mère, et vit en Finlande. Sara le pousse à s'y rendre…Tsukuru pourra donner libre cours à ses émotions et tenter de comprendre ce qu'il n'a pas su voir, les non-dits, la face cachée des sentiments…Pour, enfin, peut-être, solder son passé envahissant et se projeter avec Sara ?

Mon impression est mitigée sur ce roman, et je vais encore égratigner l'auréole d'Haruki Murakami, dont je ne comprends toujours pas ce qu'on lui trouve de si génial, désolé ! D'abord, disons-le, je me suis ennuyé pendant les deux premiers tiers du roman. Pendant toute la phase où Tsukuru passe son temps à tourner en rond autour de son problème, dans sa tête ou en dialogues avec Sara. Et quand enfin il rencontre Rouge et Bleu, j'ai pensé que ça avancerait…Mais ça continue de tourner, tourner…Et oui, les dialogues sont chichiteux, gnangnans, vides, parfois frisant le ridicule. Les personnages passent leur temps à enculer les mouches. En attendant, ça gratte des pages, des pages à tourner en rond, dans des considérations pseudo poético-intellectuelles qui en fait ne volent pas haut. Résultat, je l'ai mis de côté pendant des mois dans ma PAL «en cours », pour me décider il y a quelques jours à lui tordre le cou. Et pour être honnête, le dernier tiers était plus riche, mais c'est en fait les vingt dernières pages qui sauvent les meubles. Evidemment les retrouvailles avec Noire-Eri sont un moment clé, mais elles souffrent d'un certain décalage entre l'expression verbale d'Eri et l'appréciation et les sentiments qu'elle prétend avoir portés à Tsukuru. Cela nuit à la vraisemblance, et je soupçonne l'auteur d'avoir cédé à l'appel de pages de sentimentalité facile. Les pages les plus réussies sont donc finalement les dernières, où l'auteur m'a semblé bon lorsqu'il replace son héros dans sa réflexion intérieure et dans son environnement ferroviaire, avec des pages d'observation, de captation passionnantes sur le monde grouillant de la gare de Shinjuku, la plus fréquentée du monde, et les tokyoïtes qui l'arpentent, pressés et parfois résignés, puis sur une fin ouverte où l'enjeu est pour Tsukuru de devenir, enfin, un homme qui s'assume et se projette dans l'avenir.

En conclusion, ce roman ne m'a pas émerveillé, mais Murakami est tellement incontournable qu'on ne peut pas décemment se dire fan de littérature japonaise sans se coltiner à l'oeuvre de cette star internationale. Surtout qu'en filigrane, dans quelques moments d'introspection de son personnage principal, et peut-être plus encore lorsqu'il reprend sa position de narrateur en s'extrayant de sa manie des dialogues creux (et j'insiste, mon amie japonaise le dit aussi), il nous livre quelques clés pour comprendre les enjeux des relations humaines (ici sans doute l'ambiguïté potentielle des relations amicales homme-femme, les interdits dans ce groupe mixte alors qu'il existe manifestement des tensions et pulsions sexuelles refoulées), et déploie ses thèmes de la solitude, de la nostalgie (ici incarnée dans Les années de pèlerinage de Liszt, mon compositeur préféré, qui habitent Tsukuru), nostalgie du passé, des rendez-vous manqués et amours impossibles, mais aussi du pays natal. Au Japon, c'est un sujet. Il peut exister une nostalgie de la région natale, du calme de la campagne et des traditions perdues, lorsque les jeunes cadres dynamiques n'ont d'autre choix que de quitter leur région pour rejoindre la tentaculaire Tokyo, centre névralgique écrasant de l'archipel, au risque de s'y perdre, anonymes, incolores...
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