Les sens des coeurs

La disparition de Taïssia était somme toute inquiétante, tandis que son enlèvement n’était pas avéré, ce qui expliquait le choix prit par le Magistrat, ce dernier confia l'enquête au groupe du commissaire Petit, de la Brigade criminelle de la Ville lumière. Grand maigre, le dos large, peu épais, un outil parfait pour encaisser critiques et quolibets, ses longs bras et ses jambes de flamant rose, ne lui attribuait pas une stature de jeune premier.

Madame Goldenstein, adorait les enfants, ils lui apportaient un espoir en l’humanité. « Les enfants sont le sel de la vie » .

La deuxième décennie du vingt et unième siècle voyait les sociétés basculer : guerre économique, guerre ethnique, guerre fratricide, terrorisme, déplacement de population, épidémies, mal-être généralisé… Pour le couple, il convenait d’agir, mais pas n’importe comment. Il s'agissait de chercher en soi-même les réponses, se disaient-ils. Le maître mot: se mobiliser en faveur d'idéaux pacifiques.

Les alternances politiques, les pouvoirs en place, l’opposition, semblaient s’acharner à se complaire dans des guerres picrocholines, oubliant au passage la grandeur des fonctions régaliennes. En coulisse l’extrémisme ne cessait de fourbir ses armes sombres. Par conséquent, le couple voulait déjouer ces pièges et se donner la chance de vivre une histoire d’amour qui marquerait à jamais leur vie. Au fil de leurs études, ils apprirent à affiner leur conscience politique, à aiguiser leurs pensées, à observer les faits et lire entre les lignes.

Safia, étudiante en Histoire de l'Art et Archéologie, de nature espiègle aimait jouer les entremetteuses, deuxième d’une famille de deux enfants. Elle prêtait une attention toute particulière à ce que chacun des siens soit heureux, ce qui expliquait qu'elle puisse vouloir la même chose pour ses amis. Sans doute que ses parents originaires d’Oran en Algérie y étaient pour beaucoup, ils lui avaient transmis le gène de l'altruisme. Safia se plaisait au sein de ce foyer aimant, dans lequel la religion musulmane était autant respecté que la fête de Noël. Safia était joyeuse, elle avait vue sa sœur de cœur mettre sa main dans celle d'Anatalios, ensemble prêt à marcher vers l’avenir. Les deux tourtereaux, firent en secret la promesse de ne jamais se quitter, leur amour prendrait une tournure éternelle.

Léana ne laissait rien paraître de ses sentiments, il y avait maintenant dix-sept jours que sa fille avait disparue. En elle, il y avait une force qui lui donnait l'ordre de ne pas rester inactive. Il fallait qu’elle se mette à sa recherche, se foutre un coup pied au cul et prendre le taureau par les cornes. Anatalios avachis, terré dans sa torpeur, continuait sempiternellement à pleurer sur son sort, l’homme, n’arrivait pas à sortir quelque chose de positif de son esprit, s’ingéniant à jeter une poignée de sel sur ses plaies mentales. Elle avait été mise au courant des difficultés de l'enquête, aucun témoignage, aucune trace, rien, rien, rien... Elle doutait de l’aboutissement rapide des investigations.

« Témoigner est un exercice à double tranchant m'dame ! Il faut déposer devant les flics, le cas échéant déférer aux convocations de la justice. »

On aurait dit qu'elle tournait sept fois sa langue dans sa bouche avant de répondre.

Son maquillage n'enluminait pas son visage, il cachait quelque chose de naturel : « Les rides ».

Sans doute que le père était trop anéanti par la disparition de sa fille pour coopérer. Le capitaine fut emparé par le doute, plus il regardait Anatalios, plus il devenait soupçonneux à son égard : quel genre de père pouvait-il être pour avoir oublié sa fille. Le flic réflexionnait, il fit le rapprochement avec un cas qui avait été médiatisé plusieurs semaines auparavant.