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Critique de Acerola13


Faire une nation: Les Italiens et l'unité s'ouvre en préambule sur l'audacieuse ambition de son auteur : décrypter et analyser le processus de création politique de la République italienne pour le soumettre à un lecteur français, aveuglé par sa propre histoire et l'importance qu'y prend la Révolution de 1789.

Pour ce faire, Elena Musiani brosse un portrait dense mais très clair du Risorgimento ; elle rappelle les différents jalons historiques de l'épopée italienne qui s'inscrivent dans le mythe national : le Statuto de 1848, l'expédition des Mille en 1859, la conquête de Rome en 1870, qui ne sera d'ailleurs juridiquement réglée qu'en 1929...Rappelant que notre vision actuelle du Vatican gentiment enclavé dans la Rome italienne fit couler beaucoup d'encre aux siècles passés...

On découvre aussi la brochette de diplomates, souverains ou militaires des grands voisins de l'Italie qui prirent partie tantôt dans le maintien des différents royaumes d'Italie et du Vatican, tantôt dans l'unification sous un drapeau tricolore : Napoléon III, le Pape, Bismarck, Autrichiens et lointains Anglais ne sont pas restés de marbre face aux tressautements de la botte...Protégeant tour à tour les différentes figures politiques érigées instantanément ou par la suite en héros nationaux : Cavour bien sûr, dont on apprend qu'il parlait mieux français et anglais qu'italien, Garibaldi, "notre" niçois, Mazzini, qui fut réhabilité, et bien sûr Victor-Emmanuel II qui vit s'étendre de beaucoup ses compétences !

Au-delà des seules figures politiques, l'auteur présente aussi les factions et les différents courants philosophiques qui attisèrent les débats italiens, et leurs origines ; certains passages sont d'ailleurs un peu indigestes pour un lecteur qui ne serait pas au fait de l'histoire politique du XIXe siècle...Je me suis cependant passionnée pour ce très bel exposé qui souligne à quel point l'unification italienne fut le fait non pas d'aspirations populaires mais d'idéaux d'une élite libérale souhaitant consolider leurs positions économiques ou renforcer la mainmise de leurs royaumes existants sur les terres voisines. Les difficultés furent nombreuses même après l'unification, qui n'a pas signifié l'unité, l'union italienne, comme le démontre très bien Elena Musiani à travers les conflits avec la Papauté et le royaume des deux Siciles, ou encore par le désintérêt des Italiens en fonction de leur origine géographique pour telle ou telle fête nationale : c'est finalement l'éducation obligatoire qui permit progressivement d'imposer un italien commun à tous, et l'idée d'une nation.

Ce très bel essai rappelle donc à quel point l'Italie en tant que nation est jeune, et surtout à quel point elle était à ses débuts une création intellectuelle et artistique, réinventée et réinterprétée par la suite au gré des besoins du moment par les différents partis politiques au pouvoir. Un ouvrage qui ravira tout amoureux de l'Italie ou toute personne curieuse de démystifier notre voisin latin à la paradoxale histoire "européenne" (Rome, Venise, la Renaissance furent européennes avant d'être italiennes) et à la réalité nationale bien plus récente.
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