AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Musa_aka_Cthulie


Deux pièces de Musset cette année, deux pièces qui m'ont plutôt gonflée. Soit c'est pas de chance, soit il s'avère que, finalement, je n'aime pas le théâtre de Musset, soit je n'aime pas Musset du tout. Il faudra donc que je relise les pièces auxquelles je n'ai pas touché depuis bien des années et quelques autres œuvres pour en avoir le cœur net. L'avantage des Caprices de Marianne, c'est que ça se lit vite. le défaut, c'est que ça se lit vite.

Musset s'y amuse à reprendre une situation bien connue au théâtre : un jeune idiot, Coelio, se dit amoureux d'une jeune femme, Marianne, mariée à un vieil imbécile. Or, contrairement à ce qu'on peut voir en général dans le théâtre des XVIème et XVIIème, Marianne, bien que n'aimant pas son mari, n'a aucunement l'intention de tomber dans les bras d'un inconnu qui ne lui a même jamais adressé la parole. Coelio, lui, compte sur divers autres personnages pour jouer les intermédiaires, dont essentiellement son ami Octave, un jeune idiot cynique. Et contrairement à ce dont on a l'habitude dans ce genre de pièce, tout ça finit soudainement mal, de façon très emphatique.

Marianne est-elle une prude, une hypocrite, ou bien plus que cela ? On ne le saura pas, son personnage est peu développé. Si Musset met dans sa bouche des répliques cinglantes et un plaidoyer pour les femmes, que les hommes ne prennent que pour des objets de désir ou de mépris - selon qu'elles cèdent à leurs avances ou pas -, le titre laisse à penser qu'elle est inconstante, légère, versatile, etc, etc. Or ce n'est pas l'impression que donne le personnage, sinon par la faute De Musset qui la précipite dans une situation un peu vite amenée (elle décide de prendre un amant sur un coup de colère). Situation qui, d'ailleurs, n'induit pas un caprice pour autant. Quant au pluriel de "caprice", on se demande bien ce qu'il fait là.

En revanche, ça aurait clairement pu s'appeler Les Caprices de Coelio et Octave, tellement l'un se plaît à jouer - j'insiste que le terme "jouer" - les amoureux transis, malheureux, las de vivre, au point de se jeter dans les bras d'un funeste destin volontairement, de façon absurde et grotesque (ce qui colle assez bien avec l'étiquette de "comédie" qu'avait d'abord assignée Musset à la pièce), et tellement l'autre joue à la perfection les jeunes sots indolents et insolents revenus de tout. On notera que la situation de départ que j'ai exposée fonctionne très bien chez Molière et chez bien d'autres, parce que c'est une convention théâtrale communément acceptée. Ici, le mécanisme est (volontairement, je pense) grippé : Coelio n'ose même pas adresser la parole à Marianne, il n'est pas amoureux d'elle (mais il veut bien coucher avec elle), il se contente de jouer un rôle ; or, ce rôle, personne n'en veut. Ni Octave, qui s'en fiche pendant un long moment et qui prend la chose comme un jeu, ni, surtout, Marianne.

On a tellement insisté sur le fait que Musset avait clamé être à la fois Octave et Coelio que je ne reviendrai pas là-dessus. Mais, à regarder la pièce de près, j'imagine qu'il avait bien en tête, en l'écrivant, de faire de Coelio une caricature (du jeune homme romantique, de lui-même), tout en lui opposant un autre personnage tout aussi caricatural dans sa posture. Or, cette lecture que je pourrais faire de la pièce ne colle plus du tout avec la fin, très, mais vraiment très très précipitée, et notamment avec la toute dernière scène, où la posture ridicule de Coelio devient soudainement tragique et où Octave se met tout aussi soudainement à prendre au sérieux les soi-disant sentiments de son ami. C'est d'une grandiloquence que, d'abord, je déteste, et qui ensuite me paraît enlever toute cohérence à la pièce. Et puis cette fin m'a en sus un air de vite emballé qui sent le travail bâclé. Mais qu'a bien pu voulu faire Musset avec Les Caprices de Marianne ?

En somme, en sortant de ma lecture, j'avais la désagréable impression que Musset avait cherché, lui aussi, à jouer son rôle d'auteur romantique avec un peu trop d'application. Mais allez, comme je suis dhumeur indulgente aujourd'hui, je mets ça sur le compte de l'âge : Musset n'avait après tout en 1833 que 23 ans.



Challenge Théâtre 2018-2019
Commenter  J’apprécie          311



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}