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Critique de Thrinecis


Ce magnifique roman, écrit en russe et publié en 1930, fait partie des premiers romans de Nabokov, bien avant qu'il ne se mette à écrire en anglais et plus de 20 ans avant le scandale que déclenchera Lolita. Il a pour thème la vie d'un génie des échecs, jeu dont Nabokov était passionné : l'histoire est simple mais elle est portée par la force extraordinaire que Nabokov a mis dans la vie intérieure de son héros, par une magnifique écriture et par une construction étonnante vers le milieu du récit.
Le petit Loujine est un enfant solitaire, médiocre à l'école, harcelé par ses camarades, renfermé sur lui-même au point de fuir les contacts de ses parents, qu'il s'agisse des tentatives maladroites et vaines de son père pour communiquer avec lui ou des brèves effusions de sa mère, qu'il est incapable de lui rendre. On peut y voir les prémices d'un comportement autistique qui ne feront que s'accentuer dans sa vie.
Mais la découverte fortuite des échecs vers l'âge de 10 ans va faire basculer sa vie. A compter de ce jour, Loujine sera littéralement habité par les échecs. Génie précoce des échecs, il est rapidement pris en charge par un entraîneur qui va le faire jouer dans tous les tournois d'Europe pendant une quinzaine d'années. Mais Loujine surmené va devoir arrêter les échecs pour préserver sa santé mentale. Il est trop tard. Même les efforts de sa femme pour lui épargner tout rappel des échecs ne parviendront pas à enrayer la lente dégradation mentale de Loujine... Possédé par les échecs au point de voir dans chaque événement de sa vie un coup d'échec contre lui (très belle construction de Nabokov), Loujine s'égare et l'on suit avec angoisse et pitié la décomposition implacable de son esprit.
Loujine n'a rien d'un héros particulièrement sympathique : laid, fruste, impoli, impuissant à communiquer et à comprendre les autres mais il est attachant et l'on se surprend à espérer une fin heureuse pour lui. Nabokov a merveilleusement décrit les affres par lesquelles passe Loujine : angoisse quasi permanente, calme temporaire quand il lui semble avoir maîtrisé une attaque contre lui, désespoir et horreur quand il se rend compte qu'il ne peut échapper à ces attaques, dissimulation de son véritable état d'esprit à sa femme...
Sur ce même thème des échecs, j'avais adoré le joueur d'échecs de Stefan Zweig, court roman percutant, mais finalement je crois que je lui préfère de loin le roman de Nabokov.
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