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Critique de Nanako-Mai


Il faut bien de l'audace pour écrire un tel roman abordant ce thème perturbant, sensible, tabou et abject qu'est la pédophilie. Scandale, censure et désormais classique de la littérature… Je me suis armée de courage, délaissant mes à priori, afin de me confronter à cette lecture particulière.

Humbert Humbert parle de lui-même à la troisième personne et dès lors, ce type de personnage me déroute. C'est au travers de sa propre “analyse” qu'il nous livre le récit concernant Lolita. Avant d'en arriver à sa rencontre avec sa “nymphette” (comme il aime à nommer les petites filles entre 9 et 14 ans, qui sont pour lui pleines d'un charme particulier et d'attraits *frissons*), il nous relate ce qu'il est, d'où il vient et ce par quoi il est passé. Il admet posséder un grain de folie pervers mais il revendique également un esprit vif, savant et taquin. Depuis la fin de son premier grand amour, sa vie n'a finalement eu aucune saveur. Vaste mascarade durant laquelle il tente vainement de lutter contre sa nature, contre son penchant malsain pour les nymphettes, s'autorisant seulement à les contempler de loin et à s'égarer dans la folie du fantasme. Quand soudain, au terme de 25 années, surgit Lolita, “lumière de [sa] vie”. Et là, tout bascule.

Les événements s'enchaînent, hélas plutôt favorablement pour ce prédateur en puissance et en un rien de temps, papa Humbert et sa nymphette chérie se retrouvent en tête à tête, sans plus personne entre eux. le narrateur nous abreuve de moult tergiversations et descriptions de lieux, de personnages, d'activités touristiques qu'il prétextait afin de donner aux yeux de Lola, du sens au voyage qu'il décide d'entreprendre. Voyage qui n'est que la mise en scène malsaine de son fantasme sans limite. Ils finissent par se stabiliser, pour un temps, pastiche de la parfaite petite famille monoparentale. Lo est instrumentalisée, baladée, détenue captive d'une routine obscène entre les griffes d'un homme fou (d'amour ?!).

Humbert est autocentré sur son seul et unique plaisir, il n'a d'yeux que pour la fascination que lui inspire sa Lolita, l'attrait charnel de son corps nymphatique. Au-delà de cela, il n'a aucune considération pour elle, il ne s'intéresse en rien à ses émotions qu'il ne saisit pas. Les crises de nerfs et les pleurs de Lo, sa lassitude et son apathie l'effleurent sans qu'il ne songe un instant qu'il puisse être à la source de tous ces maux. Sous couvert d'un homme respectable et charmant, c'est un monstre qui ne se rend nullement compte de ses horreurs.

Je dois avouer que l'auteur m'a quelques fois perdue dans sa narration, tant elle est alambiquée, métaphorique, descriptive, emplie de références qui m'échappaient (tout ou en partie) sur certains détails que mon intérêt n'a su accrocher, ni mon esprit saisir avec netteté… Les tournures de phrases sont savamment construites et multitudes de mots m'étaient jusqu'alors inconnus. Je me suis donc souvent perdue en longueurs et louvoiements, je le reconnais. Mais c'est sans doute là que réside la force de ce roman, ce n'est pas cru ni franchement obscène. Toute cette histoire nous est livrée à mots couverts par le biais d'allusions, c'est insidieux, on devine, on comprend de quoi il est question ; cette immoralité, cette dépravation, cette perversité abusive, cette enfance mutilée… Et le narrateur nous relate tout ceci avec une certaine réserve, ce n'est pas franc, plutôt mielleux comme pour nous amener à dire : voyez dans quelle situation j'étais… Comprenez-moi. Et c'est horrible, car Humbert tend à minimiser son rôle de bourreau et s'octroie même la place de victime.

Enfin, la dernière partie du livre survient. On aperçoit la lumière au fond du tunnel et un semblant d'homme derrière le monstre. La saveur douce-amère d'une certaine prise de conscience et d'un semblant de repentir. La folie passionnelle s'estompe pour laisser place à un amour viscéral. J'ai, pour ma part, beaucoup de mal à le concevoir. Cet "amour" à sens unique, égoïste, dévastateur, destructeur que nourrit Humbert pour Lolita… A aucun moment je n'ai lu, ne serait-ce que l'ébauche d'une histoire d'amour, seulement la monstruosité maladive d'un homme déséquilibré. Et, mettant l'affect de côté, cliniquement parlant, Humbert est un cas fort intéressant. Ce livre, dans lequel il ne faut chercher aucune leçon de morale ni tenter de comprendre les motivations de Vladimir Nabokov, constitue une expérience en soi.

Finalement, je ne puis dire que cette lecture fut agréable... Il faut s'accrocher, tant pour le sujet abordé que pour le style littéraire, mais il reste indéniable qu'il faut avoir lu Lolita au moins une fois dans sa vie !

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