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" En amour… c’est comme à la fête de Neuilly… le plus bête peut gagner… essayez votre chance, y en a qui aiment mieux perdre… ceux qui n’aime pas les macarons… y en a qui font leur Sophie ; i’s attendent toujours le gros lot… Mais l’gros lot tient !... Les plus mal foutus, j’vous dis, une heure arrive où leurs Fontanges les laissera faire… les plus mal foutus essayez votre chance », et il reniflait.
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Des femmes, Lautrec savoure les roueries, les câlineries, les élans et les défenses, mais peut-être, le plus, les larmes. Il a une prédilection pour ce qu’il imagine que les plus naïves peuvent receler. Il ne s’écarte que de celles qui raisonnent et a horreur des bas bleus.
« Les femmes savantes… rreur de ça !... »
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Deux dîneuses, à une table voisine, caressent chacune un chien différent. L'une vante et gave un loulou de Poméranie. L'autre fait valoir un bouledogue noir dont elle raffole. Celle-ci, voyant Lautrec s'intéresser à leur contestation, le prend à témoin :
— N'est-ce pas, monsieur, qu'on peut être très laid et avoir beaucoup de race ?
— À qui le dites-vous ? répond Lautrec le plus poliment du monde en la regardant par-dessous son lorgnon.
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Qu’il s’agisse de la cour faite à une danseuse, d’un mariage qui se manigançait savamment ou d’un volume qui allait paraître ou enfin de la mise en toile d’une de ses peintures, Lautrec clignait de l’œil et, éloignant en les allongeant les doigts de ses mains vastes, prononçait mystérieusement, mais avec conviction et tout de son accent :
« … Travail d’approche ! »
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Sitôt que la frénésie de l’orchestre les emporte, elles lancent au-dessus de Lautrec, lancent en l’air tous leurs dessous, soies, rubans, toiles et dentelles et leurs pieds dans des bottines. Ces bottines, elles savent les lever au-dessus de la tête de leurs danseurs, voire d’un spectateur pour son embarras plus que son émerveillement, tandis qu’il disparaît presque dans le flot de lingerie, qu’un talon danse au-dessus de son chapeau, d’un geste encore plus libre, va jusqu’à le décoiffer. Ce ne sont que bas, que cuisses, dentelles, jupes et jupons qui s’affrontent, se mêlent, parfois se déchirent, reviennent dans un assaut de vagues que les cuivres précipitent en tempête.
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