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Critique de magalibertrand


Il n'est rien de plus difficile que d'oser mettre des mots sur des années de silence entretenu avec soin, rien de plus difficile que d'oser rouvrir des blessures pour en faire sortir des larmes de douleur et de sang, que d'oser en creuser le sillon pour en expulser l'infectieuse amertume qui tue ceux qui les portent. C'est pourtant ce que fait Jean-Baptiste Naudet, dans ce roman qui tient plus du témoignage admirablement organisé en échos successifs, avec une sensibilité et une délicatesse qui n'ont d'égales que la force et le courage qui les accompagnent.
« La blessure », bien sûr, c'est celle de sa mère, portée douloureusement et jusqu'à la folie comme le seul enfant qu'elle aurait jamais de ce beau fiancé arraché à ses bras et à la vie par une guerre qui n'a longtemps pas eu le courage de dire son nom. C'est aussi celle que son grand taiseux de père endossera comme un fardeau choisi, accepté en cadeau de noces par celui qui, par amour, endurera de n'être jamais que celui d'après, celui qui n'est pas parti là-bas avec les autres, ceux qui ne sont pas revenus. C'est celle, violente, physique, cruelle, qui mettra fin à la vie De Robert quelques mois avant le retour espéré de cette guerre qu'il n'a pas comprise, qui n'était pas la sienne, lui, l'homme de paix, l'homme d'esprit, l'homme de vie, mais qu'il a faite au mieux, au moins pire, en s'efforçant de lutter contre cette force barbare qu'il sentait possible en lui comme en tant d'autres.
« La blessure », enfin, c'est celle de Jean-Baptiste lui-même, atteint par-delà les silences par cette force impérieuse et mystérieuse qui fait que, malgré soi, on réécrit l'histoire quand elle n'a pas tout dit. Devenu reporter de guerre, il découvrira, comme Robert avant lui, dans une sorte d'effroyable vertige, que l'on peut se laisser prendre aux pièges (aux charmes ?) de cette violence légalisée et justifiée et cette découverte le mènera, à son tour, au vacillement de la raison.
D'une guerre l'autre, d'une connerie l'autre, d'une blessure l'autre, Jean-Baptiste Naudet nous donne à entendre, à lire, à sentir les échos jamais éteints des déflagrations guerrières dans une vie d'homme, de femme. Néanmoins, par la réflexion philosophique qu'il prête à Robert au regard de sa correspondance, par son propre cheminement de pensée, par les quelques mots de son père qui clôturent son récit, c'est plus à la méditation qu'à la vengeance que nous invite l'auteur, c'est l'émotion qui l'emporte sur l'horreur, l'humain sur le barbare, dans ce très beau texte d'un reporter de guerre devenu romancier de paix.


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