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Critique de afriqueah


Chroniques Tchadiennes Nëtonon Noël Ndjekery

Des chroniques, qui commencent comme un Romeo et Juliette, amours contrariées comme il se doit, dans la ville de Moundou, où est né notre auteur Nëtonon Noël Ndjekery. Sa ville, dit-il, c'est le temple de la débrouillardise, de la gouaille et du rire, avec, tout proche, près du fleuve Logone, affluent du Chari, le tamarinier nain, où son héros Souloulou vient se refugier.


Lui est gaucher, et donc proscrit (n'y a t il pas eu en Europe de ces anathèmes contre les gauchers, et volonté de les reconduire dans le droit chemin ?)

Elle, Haitara, elle l'aime, et pourtant ses parents l'ont destinée à un colonel. Beurk.

En Afrique, ce sont les hommes qui paient la dot, donc, se dit elle, pour gagner du temps, et faire valoir sa dot et aussi sa volonté d'épouser qui elle veut, elle doit continuer et étudier jusqu'à avoir son bac.
Car elle aime le gaucher.
Ces chroniques écrites par un Tchadien devraient être bien lues, elles montrent les mariages forcés, et toutes les combines pour y échapper. L'héroïne, comme beaucoup de ses consoeurs, est forte. de sont elles qui font le pays, elles ont l'air soumises, mais quand vient l'heure, ce sont elles qui décident.
Et qui travaillent, surtout. Aux champs, et aujourd'hui en ville, avec leurs diplômes.

(Remarque toute personnelle : ma meilleure amie fille de notaire s'est fait vendre à un fils de notaire, notaire lui même, et elle m'a juré le haïr jusqu'à ce qu'il meure)


Haitara, elle, n'a juste pas envie de se marier avec un vieux, de plus porteur de « cette-maladie-là », il a beau être riche, grâce au pétrole, découvert au Tchad, pourtant ses parents, même après la mort de l'autre épouse, contaminée par le triste sire, préfèrent qu'elle se marie.
Raison : elle est enceinte.
Nous, nous savons de qui, les parents, non ils ne savent pas.
Elle, elle ne veut pas être vendue.

Chroniques, ainsi que va le titre, parce que l'auteur évoque en changeant l'intitulé le scandale de « l'Arche de Zoé », enfants tchadiens déguisés en rescapés du Darfour, avec de faux pansements, compresses et attelles -103 enfants soi –disant rescapés du Darfour( oui, il y a eu, cause pétrole, un vrai cataclysme économico/social au Darfour) et en réalité tchadiens , « pris » aux parents avec la promesse d'une vie meilleure.

Cependant, comme sa ville Moundou, au sud du Tchad, est la ville du rire, l'auteur fait le rapprochement avec l'importation d'animaux, qui, parfois même avec faux papiers (comme mon perroquet, parce qu'il aurait fallu que mon mari aille à Gènes trois mois avant, notre départ, bref, faux papiers) sont ou exterminés ou reconduits au pays d'origine.

Mélange de rire sain, de vraie évocation d'un vrai scandale, d'une vraie dictature, d'une vraie main mise,( quelque soit la religion, car, en fait, dit NNNN c'est la croyance animiste qui triomphe,) sur les jeunes filles à marier, avec un mélange de pruderie ( comment, ma fille enceinte, et de qui ?) et de résolution quoi qu'il en coûte (Bien sûr, il a une maladie mortelle, cependant il faut que notre fille aille s'offrir à lui. Ça justifiera son futur bébé. )

Les « chroniques » :
D'abord le style très travaillé et très drôle, intelligemment truffé d'africanismes ( gagner son gombo, craquelures jusqu'au fin fond de l'âme, le sens de la débrouille se débrouillant avec la magouille, Haitara, la petite chamelle se refusant à nommer à ses parents le concombre qui l'a engrossée, la fameuse boite à parlotte qu'est le téléphone portable, pour lequel « une fois les cours finis, les élèves branchés couraient bourlinguer, mendier, ou même se vendre afin d'acheter les fameuses unités de communication ».)

Et analyse d'une dictature « dont des pans entiers étaient livrés à l'analphabétisme, et obéissaient désormais à des critères de recrutement qui excluaient toute notion de compétence. »
Pour finir ce panégyrique, poésie africaine, car on sent les eaux du langoureux fleuve Logone turbuler, on sent la végétation arborer, on voit le petit tamarinier, trop petit et donc jugé néfaste, ainsi que Souloulou le gaucher, écarté du pouvoir du roi son père parce que gaucher, et sauvé du carnage par la même raison, ce petit tamarinier, donc, je reviens, n'ayez pas peur, grandit.

Sûrement comme la conscience des peuples.

Voilà, tout nous plonge sans équivoque en Afrique centrale.
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