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Critique de EvlyneLeraut


Nétonon Noël Ndjékéry dévoile en cinq fragments, tel un écrivain de la parole, l'urgence de dire l'Afrique Subsaharienne, la réalité comme une épreuve implacable, d'une terre meurtrie dans sa chair.
Essentiel, tragique, d'une haute contemporanéité à peine floutée par la fiction. On est en plongée dans l'idiosyncrasie d'une Afrique ployée sous les affres des injustices, des méprises, des corruptions et des oppressions intestines.
On ressent l'air brûlant, l'âpreté de la faim, l'arme pointée dans le dos, la violence exacerbée.
Dans une langue précise, « le grondement aux accents apocalyptiques des orgues de Staline et le staccato des fusils mitrailleurs composaient un hymne à la mort dont les Tchadiens connaissaient désormais par coeur les couplets ». « Arrêt momentané des combats ou amorce d'un véritable retour à la paix... ».
Elle exauce, porte-voix, les dires de ces peuples sacrifiés.
D'une lucidité radicale, bouleversante, les entrelacs dont on entend les murmures des plus pauvres, le mémorial d'êtres déchiquetés par la toute puissance d'un chef d'état paranoïaque, démoniaque et fou furieux.
Chacune des lignes vaut un millier de larmes. Chacune des larmes est l'exutoire du désert qui pleure ses enfants. D'ombre et de lumière, terrifiante et si belle Afrique Subsaharienne.
« Jamais il n'accepterait d'associer sa silhouette à cette mascarade pour Amnesty International ».
L'âme humaine et ses noirceurs, la mélancolie d'une humanité vaincue. Nétonon Noël Ndjékéry détourne la fiction. Il lance des signaux finement politiques, sociologiques. Les novellas soufflent sur les braises et dévoilent les régimes totalitaires, les petits enfants arrachés aux mères mourantes. Il ne faut pas donner du pain aux chiens. Regarder le ciel et admirer la rose des sables . Ce livre est un cri dans la nuit noire, la minute mongole.
Une minute pour tout changer. Que ce texte est inouï. La grandeur du repentir. La réconciliation avec soi-même. Une minute mongole, le pardon comme une prière. « Je suis fini, fini à l'infini ». « Pour toutes ces onzièmes minutes que j'ai égoïstement galvaudées, j'implore votre miséricorde. J'entends toutefois me racheter dès ma prochaine vie. Car je vais rendre l'âme à 9h11 précises avec un seul voeu en tête : renaître dans ce pays merveilleux qui est le nôtre afin de racheter tous les manquements que j'ai commis à vos dépens... ».
Texte-litanie, l'azalée blanche des regrets, l'épiphanie de la minute mongole où tout peut changer encore. Nétonon Noël Ndjékéry nous propulse dans un texte d'historien. L'homme est un loup pour l'homme. Une minute mongole, le symbole du bien et du mal. le choix.
Que dire du dernier fragment, résolument triste, absolument sinistre, mais l'amour plus fort que la mort. « Maman, les cocos ? » « Personne ne ne peut se sentir aussi inutile qu'une mère qui n'a même pas une étincelle d'avenir à proposer à son enfant. A dire vrai, ce qui te retient encore en vie, ce n'est plus l'espoir de sauver ton bébé. Tu sais qu'il est condamné autant que toi-même ». La vie se meurt. Mère que l'on aime de toutes nos forces, texte dernier adieu, la montée des eaux, la faim aux abois, le paroxysme de l'horreur.
Ce livre touchant, crucial, surpuissant et féroce, est d'un réalisme fou. L'Afrique Subsaharienne en lumière. Essentiel, il faut lire ce livre qui ne ment pas. Un chef-d'oeuvre en cinq tableaux. La pièce-maîtresse de la compréhension de notre monde.
Nétonon Noël Ndjékéry est un passeur de verbe, d'humanité et de peuple. La minute mongole comme le fruit la grenade et ses milliers de graines rédemptrices. Magistral, la pluie en plein désert. Publié par les majeures Éditions Hélice Hélas.
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