Jamais je ne t'oublierai

Il devait bien s’avouer que le fait qu’ils soient bras dessus, bras dessous ne voulait rien dire en soi. Ils pouvaient juste être amis, après tout.

À chaque fois que je le voyais, tu sais à qui Theo me faisait penser ? À Sean Connery dans « Pas de printemps pour Marnie ». Tu sais ce film d’Hitchcock… Ah Sean !... C’est en le voyant dans ce film que j’ai compris ce que voulait dire : « se déplacer avec la grâce d’un félin ».

Dès le départ, il avait eu de l’affection pour elle. Et au fil des années, il était devenu comme une sorte de protecteur pour elle. Pas vraiment un grand frère, il ne s’était jamais vraiment considéré comme cela. Il avait vu la petite fille aux genoux cagneux se transformer, à chacune de ses visites, pour finalement devenir la véritable beauté qui était assise là, en ce moment, devant lui...
Et ce soir, il devait admettre qu’elle était particulièrement en beauté. Femme, elle était devenue. Cela ne faisait aucun doute. Et avec un corps magnifique, qui plus est…

Rien ne servait de se torturer le cerveau avec le passé. Ce qui était fait était fait !

Que lui arrivait-il ? Ne s’était-il pas promis de ne jamais plus se laisser aller à penser à Julia ainsi ? Elle avait été la belle-fille de celui qu’il avait considéré comme son père d’adoption. Il l’avait connue alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Et pendant de nombreuses années, il l’avait uniquement vue que comme une petite cousine…
Mais rien ne servait à repenser à cela maintenant, s’adjura-t-il. L’essentiel étant de ne plus commettre les mêmes erreurs que par le passé.

« Rien ne fait plus souffrir que d'aimer. Rien. Il faudrait ne pas aimer pour ne pas souffrir. »
 
Yasmina Reza