AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Comme si de rien n'était (11)

[…] qu'est-ce qu'il y a ? Rien, un peu mal au ventre, tout le monde sait que l'amour passe par le ventre et que l'âme se loge aussi dans ces coins-là, on ne sait pas à quel endroit précis, mais c'est sûrement ça, puisque ça fait si mal.
(p. 34)
Commenter  J’apprécie          420
[…] elle a horreur du sol couvert de crasse gluante puant l’urine du couloir bondé de gens sales et affamés sans horizon et qui ne lisent ni Henri James ni Aldous Huxley. Ceux-là, au moins, ils vous aident vachement à survivre, ils vous téléportent à l'époque victorienne ou dans les petites villes américaines des livres de Carson McCullers, partout ailleurs, surtout pas ici, dans Les Lusiades de Camões, sur la mer, là où l'air est salé et les poissons frais vous sautent directement dans la poêle, pas la peine de faire quatre heures de queue pour se les procurer.
(p. 94)
Commenter  J’apprécie          401
Ah, qu'elle vieillisse enfin ! Alors personne ne cherchera plus à la toucher, ni à s'empresser de lui ouvrir les portes, à lui allumer sa cigarette, à lui baiser la main – et si elle refuse on ne dira plus qu'elle est agressive – on ne la taxera plus de féministe, mot injurieux, on sait bien que ces filles-là veulent être des hommes, pas des femmes. Alors elle cessera de se tenir coite et de ne rien oser faire, de se croire obligée de sourire poliment à toute allusion cochonne. Que vienne le temps des varices et des poils sur le visage pour que personne ne s'excite plus en voyant ses seins tombants – là elle sera enfin libre et moche.
Commenter  J’apprécie          150
Il leur vint ensuite une petite frayeur en découvrant à quoi ressemblait l'intimité des filles, exposée tout ouverte, elles ne s'étaient jamais regardées, bah, dis donc, ça se présente comme ça, se demandait Nana à voix haute, c'est truqué ou quoi, c'est affreux, moi je me suicide si je ressemble à ça, je vais avoir des cauchemars, c'est pas chouette-chouette.
Commenter  J’apprécie          130
Trop de consonnes, peu de couleurs, c’est ce que chante le poète, Macedonski, mais elle ne voit pas de rossignol ni de lilas fleuri, à quoi peut bien ressembler un rossignol, et le lilas, au fond, il est blanc ou violet, ou rose ou quoi ?
Commenter  J’apprécie          40
Elle n’était pas complètement innocente, elle avait des connaissances d’anatomie, d’excellentes notes, 10 sur 10, c’était clair qu’il y avait le sexe, la pénétration – mais toutes ces photos sur papier glacé étaient si différentes des schémas de leur manuel, elle ne se l’était jamais imaginé, ces femmes sans visage, ces hommes sans visage, des jambes, des jambes et des entrejambes. Mais comment allait-elle regarder dorénavant ses camarades sans s’imaginer leur entrejambe, leur organe écrasé sous le tissu de leur slip blanc ou coloré, regarder ses profs ou ses parents, les gens dans la rue et s’empêcher de se les représenter dans des postures ridicules, s’efforçant d’avoir un orgasme ?
Commenter  J’apprécie          30
Pour la énième fois elle se demande pourquoi ça retombe chaque fois sur elle, sur mille élèves en uniforme c’est toujours elle que l’on choisit d’éduquer, de redresser. À cause de son regard peut-être, il y a un truc qui cloche du côté de son regard, trop concret – elle avait cette mauvaise habitude de regarder pour voir – à moins que ce soit, allez savoir, cet air dont elle ne peut se défaire, de gamin de quartier qui sort prendre l’air et se met à taper la balle contre un mur, les genoux écorchés par les chutes à vélo, ce vélo dont la chaîne saute tout le temps. Encore heureux que le prof principal ait sorti le truc du directeur, c’est un leurre, il n’a jamais emmené un élève chez le directeur, de toute façon il était au courant, comme tout le monde, que le directeur n’était pas dans l’école l’après-midi, et les secrétaires ne restent pas une minute de plus après quinze heures. Nana la pousse du doigt à s’asseoir, à en finir une bonne fois pour toutes avec leur jeu, elle n’aime pas la chatouille, elle se défend et frappe involontairement le pupitre du genou, elle attrape de justesse, au vol, son cahier et le volume de poèmes, l’atlas par contre s’envole jusqu’au centre de la classe et la trahit en laissant glisser la revue de Bizonnou.
Commenter  J’apprécie          30
Elle devrait s’instruire davantage sur les corps et les émotions, comprendre pourquoi son ventre est serré, nœud de désirs et d’inquiétudes, elle les reconnaît bien, ils sont clairs ces mots, mais elle a peur de les exprimer. Ah, si elle pouvait courir, voler, se jeter sur le sable chaud d’une mer, écouter, éperdue, le bruit des vagues. Elle s’imagine les vagues et au-dessus, la montagne.
Commenter  J’apprécie          30
Elle est bien élevée, elle est la meilleure de la classe en anglais. Elle se fiche pas mal des regards méprisants de la vieille qui sait très bien qu’elle l’entend, cachée derrière la double porte capitonnée. Elle se l’imagine trébuchant, sa lourde canne lui heurte la tête plusieurs fois pour se figer ensuite dans son crâne, c’en est fini d’elle, la vieille Baba Yaga2 n’existe plus, elle peut dire n’importe quoi, elle ne l’entend plus.
Commenter  J’apprécie          30
– C’est le mensonge qui me gêne, s’emballe Radu, voir que vous faîtes tous semblant de croire ce que vous dit ce crétin à la télé, pas un seul de vous n’aurait le courage de sortir dans la rue crier « À bas le communisme ! ».

– Sors le premier, je viendrai derrière, lui dit Tanase, l’air rusé.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (81) Voir plus




    {* *}