AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ingannmic


"Jézabel" s'ouvre sur le procès d'une femme vieillissante mais encore belle, accusée du meurtre de son jeune amant, Bernard Martin, un étudiant désargenté. L'accusée affiche une attitude résignée, comme pressée d'en finir, réagit à peine aux arguments de l'accusation insistant sur ses moeurs licencieuses, ses multiples liaisons, sa fréquentation d'une maison de rendez-vous...
Gladys Eysenach, née Burnera, est reconnue coupable et condamnée à cinq ans de prison.

Un bond en arrière nous ramène au temps de sa jeunesse, à la genèse du destin qui la mènera à cette issue tragique. L'enfance aux côtés d'une mère détestée, traînant son ennui, sa folie et sa fille à travers le monde, est évoquée brièvement. La révélation de la femme qu'elle sera vient à Gladys lors d'une saison à Londres. Elle a dix-huit ans, et le regard des autres lui confirme, avec une acuité qui la marquera à jamais, ce qu'elle pressentait déjà : le pouvoir de séduction de sa beauté rayonnante, qu'elle expérimente avec ivresse et un orgueil immense.

Déjà riche par sa mère, elle assoit sa fortune en épousant un homme qui après quelques années de mariage, la laisse brutalement veuve, faisant de leur petite Marie-Thérèse une orpheline. Sa vie crépite alors en un tourbillon d'hommes, de fêtes, en une ode à la magnificence de cette femme dont l'unique passion est d'être aimée, désirée, qui a de sa beauté une conscience profonde qui ne la quitte jamais. Séduire, l'unique but de son existence, est pour elle une véritable drogue. Son pire ennemi est le temps qui passe, même s'il a peu de prise sur le charme quasi surnaturel qui pousse tous ceux qui l'approchent à vouloir lui plaire. Mais elle ne veut pas de l'apaisement que pourrait lui apporter la maturité, sa soif intacte et mégalomane de conquêtes la fait courir après l'éclat triomphant et infatigable de la jeunesse. Aussi, quand sa fille, atteignant l'âge adulte, exprime son propre besoin d'émancipation, et surtout, parle de mariage, le ciel lui tombe sur la tête. En une tentative dérisoire et pathétique, Gladys supplie sa fille d'attendre, comme si elle voulait l'empêcher de grandir pour éviter à sa mère de vieillir.

J'aime beaucoup Irène Némirovsky, sa capacité à analyser les travers des individus avec finesse et acuité, son talent pour décortiquer les mécanismes des relations toxiques. Avec ce titre, ma déception a été à la hauteur de mes attentes... c'est-à-dire cuisante. Contrairement à ce que l'on pourrait croire à l'entame de la lecture, "Jézabel" n'est pas une histoire de femme libre et dégagée de tout carcan moral dans un monde fait par et pour les hommes. Mais après tout peu importe. L'auteur dresse ici le portrait d'une femme égoïste, inintéressante, qui n'inspire aucune empathie. Soit, pourquoi pas ? Seulement son tort, à mon avis, est de n'avoir pas exploité davantage la dimension psychologique de son sujet, son aspect traumatique, la part de démence que dissimule forcément cette héroïne d'un égocentrisme monstrueux. Elle tenait là la possibilité d'imaginer une variation sur le thème de "Dorian Gray", mais le manque de subtilité et la superficialité avec lesquelles elle aborde son intrigue et son personnage rendent surtout son récit fade et redondant.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}