AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pasoa


Pasoa
23 septembre 2023
Publié en 1950 à Mexico, Chant général (Canto general) de Pablo Neruda est une oeuvre poétique monumentale qui, plusieurs mois après sa lecture, continue de résonner en moi.
Neruda commence l'écriture du Chant général en 1938. Dans ce long poème épique composé de quinze chants et de plus de quinze mille vers, le poète chilien dresse un portrait saisissant de l'Amérique latine, traversant son histoire avec ses lignes de partage et de rupture.

Entre héritages amérindiens et européens, entre passé et contemparanéité, Pablo Neruda tente le rapprochement entre Histoire et poésie. de la Création viennent les premières variations des paysages, l'évocation des premiers habitants du continent, puis la venue d'Europe des explorateurs, des Conquistadores, temps lourd de bouleversements et de drames pour les peuples amérindiens. Leurs biens, leurs ressources sont spoliés, exploités, rentabilisés. L'industrie fait naître une classe ouvrière, c'est l'heure des premiers combats politiques et syndicaux, de l'unité populaire face à la répression du pouvoir et des exploiteurs.

« À tous, à vous,
les êtres de la nuit et du silence
qui avez pris ma main dans les ténèbres, à vous,
lampes
de la lumière impérissable, lignes d'étoile,
pain des vies, mes frères secrets,
à tous, à vous,
je dis : Point de merci,
rien ne pourra remplir les coupes
de la pureté,
rien ne peut
contenir tout ce plein soleil sur les drapeaux
du printemps invincible,
comme vos muettes dignités.
Pourtant
je pense
avoir été peut-être digne de tant de simplicité,
digne d'une fleur aussi pure,
et que je suis peut-être vous, oui, cela: vous,
cette mie de terre, de farine et de chant,
cette pâte naturelle qui sait
d'où elle sort et où se tiennent ses attaches.

Je ne suis pas campane si lointaine,
ni cristal si profondément enseveli
que tu ne puisses le déchiffrer, je suis
peuple et rien d'autre, porte cachée, pain obscur,
et quand tu me reçois c'est toi
que tu reçois, cet hôte si souvent malmené
et si souvent
ressuscité.

À tout, à tous,
à ceux que je ne connais pas, à tous ceux qui
jamais
n'ont entendu mon nom, à ceux qui vivent
au long de nos longues rivières,
au pied de nos volcans, à l'ombre
sulfurique du cuivre, aux pêcheurs et
aux paysans,
aux Indiens bleus sur le rivage
de lacs étincelants comme des vitres,
au cordonnier qui en cet instant s'interroge
en clouant le cuir, de ses vieilles mains,
à toi, à celui qui sans le savoir m'a attendu,
j'appartiens. Je vous reconnais et je vous chante. »


Édifiante, généreuse, fraternelle, engagée, l'écriture de Pablo Neruda est attentive à toutes les variations du temps, des paysages, des luttes, des idéaux portés par le peuple ouvrier et les paysans. Dans ce long poème, le poète y intègre une dimension autobiographique, se mêle au mouvement de l'Histoire, ce flux qui le dépasse mais dont il veut être le témoin en quête de sens.

J'ai été touché par cette longue lecture, par cette poésie chargée d'histoire, de contrées lointaines, d'un temps ancien plein d'évocations, de combats, de luttes et d'espoir.

« - Testament premier

Je laisse aux syndicats
du cuivre, du charbon et du salpêtre,
ma maison des flots à Isla Negra.
Je veux qu'ici reposent les bafoués, les malmenés
de ma patrie, pillée par les haches et les traîtres,
profanée dans son sang, écartelée,
consumée en guenilles volcaniques.

Je veux qu'avec le clair amour qui parcourra
mon domaine, l'homme lassé se défatigue,
que les obscurs à ma table s'assoient
et que les blessés dorment sur mon lit.

Frère, voici ma maison. Entre dans un monde
fleur marine et de pierre étoilée
que j'ai bâti en luttant dans ma pauvreté.
Ici, le son est né à ma fenêtre
comme dans une conque qui grandit;
ensuite il a fondé ses latitudes
sur le tohu-bohu de ma géologie.

Tu viens des corridors brûlants comme des braises,
des tunnels mordus par la haine
ou par le bond sulfurique du vent :
trouve ici la paix que je te destine
avec l'espace et l'eau de mon océanie. »
Commenter  J’apprécie          274



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}