AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lucilou


Pour écrire "Les Filles du Feu" et "Les Chimères", je me dis souvent que Gérard de Nerval -archétype du poète maudit et torturé, comme les a tant aimé le XIX°siècle- a puisé à l'encre des rêves et de ses cauchemars. Peut-être dans son sang, ses angoisses et ses espoirs.
Qu'il a emprisonné sur le papier ses obsessions et les hallucinations qui venaient le hanter, volutes lourdes et soyeuses.
Qu'il a décroché les étoiles aussi belles que dangereuses qu'il aimait pour les réunir en un bouquet étrange, aux contours flous et brillants comme des diamants.
Qu'il a essayé de dompter sa mélancolie et les ténèbres et d'apprivoiser la mort.
Qu'il a rêvé le passé et l'amour et l'absolue douleur des amants et des fantômes.
Qu'il a dénudé la langue pour la revêtir délicatement de ses mots, dentelle blanche et noire, finesse et piège, opaline arentèle.
Qu'il a dansé, peut-être embrassé la folie avant qu'elle ne l'enlace elle-même.
Qu'il est retourné dans le Valois et qu'il y a été aimé.

"Les Filles du Feu" sont étrangement belles et complètement inclassables: poèmes, nouvelles, contes, théâtre... C'est difficile de les décrire, de les raconter. On en garde surtout une impression de grâce fugace, des images, la sensation que le poète a partagé avec nous de ses rêveries, de ses sensations... Ce poète pourtant si secret, à peine esquissé, comme si Gérard de Nerval voulait s'effacer, s'oublier et ne pas faire d'ombre à ses créations un peu fragiles, un peu fées, un peu mystérieuses malgré son érudition et sa souffrance face à un monde en pleine mutation. C'est que le temps passe et ne revient jamais. C'est que les fleurs fanent et que les amours s'oublient.

"Les Chimères" sont aussi tissées de rêves et de nuées. Elles aussi, plus que "Les Filles du Feu" même, donnent cette impression étrange et languissante de se situer à la frontière du rêve et de l'éveil. Comme ce moment insaisissable et éphémère, elles ont l'air irréelles, secrètes. Chaque poème a sa musique propre, ses couleurs mais il ne les livre jamais toutes en même temps, ni avec la même intensité. Et tant pis s'il nous inquiète au passage.

Et finalement si"Les Filles du Feu" ressemblent aux chansons de John Denver, aux complaintes anciennes reprises par Malicorne et Kate Rusby, "Les Chimères" ont l'inquiétante étrangeté et la beauté singulière des chansons de Air, de Still Corners ou de Sufjan Stevens.

De la beauté et de l'émotion pure. Presque des larmes.
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}