Citations sur Je parle comme je suis (26)
Il s'agit de ralentir et de retrouver un mode de vie qui ne nous soit pas toxique. L'écocitoyen responsable ne rêve plus de se hisser sur les épaules des géants et de conquérir de nouveaux territoires, mais de cultiver son jardin et de décroissance ; il rêve de redevenir Candide.
Aujourd'hui, le vert n'est plus une couleur. C'est une idéologie. Dans ses premiers emplois déjà, dès le latin puis en français au 13e, "vert" pouvait également désigner une vitalité supérieure. Lorsque notre vert écolo (moralisateur) évoquera de nouveau cette vitalité fougueuse (plutôt que la fin du monde), alors c'est que que la lutte écologique aura vraiment ses fruits.
On peut interpréter ce recours fréquent aux mots macabres [mortel, tuerie] comme un mécanisme inconscient de catharsis : confrontés à une réalité violente, les jeunes locuteurs la disent et la redisent de façon ludique pour en purger leur esprit, pour en rire aussi. Le langage violent offrirait ainsi une compensation à la dureté de la vie, et rétablirait l'équilibre, transformant celui qui subit en acteur qui agit (en parlant).
Plus "voilà" se répète, plus il perd son pouvoir de clôture efficace et révèle surtout le trop grand désir d'en finir. "Voilà voilà voilà" est donc un symptôme linguistique de gêne sociale et peut aussi signifier qu'en fin de compte, on n'a plus rien à se dire.
Quand l'histoire d'un individu (ou d'un peuple) est encore douloureuse, le langage prend une fonction politico-thérapeutique qui s'exerce comme une médecine préventive (mieux vaut prévenir que guérir) : il dénonce les abus, avant qu'ils ne soient commis, débusque les agresseurs potentiels avant qu'ils ne lèvent la main. Ce type de langage exclut l'ironie. Il exige le respect découlant du premier degré. Ainsi, notre langue fait (enfin ?) l'effort d'une inclusion maximale, et témoigne, en quelques mots ou expressions à la mode, du grand souci de l'autre, qui veut être à la fois reconnu comme cet autre, et comme le même.
Chez Uber, le surchauffeur de taxi, porté par sa micro-entreprise et son désir d'uber dans les épinards, ne dépasse rien, si ce n'est les limitations de vitesse. Personnellement, depuis que, à l'heure d'accoucher, secouée de contractions violentes, j'ai tourné en rond dans mon Uber dont le GPS était en plein bug, que j'ai vu dix fois le panneau "urgences maternité" avant de pouvoir m'y traîner, depuis cet après-midi-là, Uber, j'ai arrêté.
"Démocratie participative" est un pléonasme, il dit deux fois à peu près la même chose, mais, en ces temps de "tri sélectif", autre pléonasme, mieux vaut trop de sens que pas assez.
lorsqu'on comprend, vers la fin du 19e siècle, scandale, qu'il [le clitoris] ne sert à rien d'autre qu'à donner du plaisir aux femmes (là où le pénis, lui, sert à uriner et à se reproduire), le clitoris se voit puni, invisibilisé et éradiqué de tous discours et représentation scientifique (ce que les experts, gynécos, et chercheurs travaillant à sa réhabilitation, nomment l' "excision mentale").
Deux régimes de parole se distinguent ainsi en ce début du 21e siècle : la parole publiée (sur les réseaux sociaux), et la parole incarnée (dans la vraie vie). L'une est véhémente et hypersociable, l'autre, (...), est pleine de tics, de précautions, voire de gêne sociale.
Qui n'entend pas au moins cinq fois par jour l'adjectif "petit" vit sur une autre planète. Son emploi est devenu un tic de langage. A l'oral, "petit" nous situe dans l'univers des Bisounours, où tout le monde il est gentil, et petit. (...)
Notre besoin irrépressible d'infantiliser le monde et de le rendre plus mignon, chou, pou, caillou, naît sans doute d'un besoin de compensation. Plus ma réalité est violente, plus je travaille à l'adoucir, au moins linguistiquement.