Citations sur Le langage de l'amour : De la rencontre à la rupture, c.. (22)
Le "je ne t'aime plus" est la seule formule qui permette de réaliser une rupture. Elle est autant "déclaration" (élucidation, mise en lumière des sentiments) que le premier "je t'aime", même si elle fait moins plaisir (litote). Le "je ne t'aime plus" est aussi difficile et courageux que le premier "je t'aime". C'est l'annonce de la fin du couple.
Il y a dans le désir une tension vers l'appropriation du corps de l'autre, mais en tant que cette appropriation me révèle aussi mes propres contours. En tant qu'elle définit, à ce moment précis, le sens et la forme de mon existence. Dans le désir que j'ai pour l'autre, déjà, j'existe davantage. J'existe en tant que sujet incarné, dont le corps, en se découvrant attiré par un autre, chute, sombre dans sa corporéité.
Finalement le lien amoureux ne cesse que si l'un de deux le décrète. Seul le langage a ce pouvoir-là, la mort même ne l'a pas.
Les compliments [lors d'une rupture] sont, comme lors d'une déclaration d'amour qui ne suscite pas de réponse, quasiment, à ce moment-là, des insultes. (...)
Rien de "gentil" n'est jamais à la mesure de ce qu'attend celle ou celui qui aime encore. Tout n'est que frustration, déception, coup de poignard.
Le "déclic", la raison qu'on donne [à la rupture], n'est en fait que la situation de trop, celle qui force la prise de conscience ultime, la situation qu'on ne peut plus ignorer. Mais elle s'impose de façon holistique, comme un bloc. La nécessité de la rupture se manifeste comme un impératif vital, où il est question, dans le lexique métaphorique, de respiration. J'étouffe, je ne peux plus respirer, j'ai besoin de prendre l'air.
Je t'aime n'est jamais autant déclaration que la toute première fois ; où il s'agit véritablement de se "dé-clarer", du latin de (intensif) et clarare, c'est-à-dire "rendre clair", lisible, un sentiment (intime, obscur).
"Sofia !!!!! Il a fini par venir... et on l'a fait !!!"
(Texto victorieux de Juliette alors que Roméo va leur chercher des verres d'eau.)
La formule exploite le pouvoir de cryptage qu'a tout pronom (dont on élucide la référence grâce au contexte.) "Le" faire, c'est toujours l'amour, que par pudeur la langue s'est habituée à ne pas nommer.
Ainsi Sofia ne répondra pas, ou seulement pour se moquer, "Quoi ? Un gâteau ?"
Garder intact le prénom de l'autre, ne pas le remplacer par les surnoms, c'est reconnaître que cet autre reste toujours un autre, qui nous échappe. Envisager que son identité résiste à mon amour.
C'est cruel, mais la linguistique est ici sans appel : la rêverie se déploie d'autant mieux que je connais à peine la personne qui le porte [le nom]. Plus je la fréquente, plus le capital de rêverie se réduit, plus la réalité l'emporte. Plus son nom se met à renvoyer à des faits concrets, moins propices au fantasme.
Depuis le 18e, la métaphore [du coup de foudre] prospère, et les coups de foudre n'ont plus cessé de nous tomber sur la tête, le cœur, et la langue.