- Tu sais ce que je veux dire. On ne restera pas toujours au bas de l'échelle, et, à chaque barreau, la vie sera meilleure pour nous et ceux qui dépendent de moi. Mais si je devais te perdre au profit de tes rêves....
Il baisa ses lèvres.
- Mes rêves sont à toi. J'ai oublié la vie que je menais avant de te rencontrer.
...il a fallu le drame et la maladie pour que je me rende compte qu’il y a autre chose dans la vie que gagner toujours plus d’argent sans prendre le temps de songer ni au bien ni au mal. C’est comme si j’avais regardé le monde à travers des verres fumés, brouillés.
Nous sommes pareils, vous et moi, nous devons nous battre et nous avons appris à blinder notre cœur contre tout ce qui se met en travers de nous. Mais avec vous je saurais être différent, chaleureux. Je dois me réchauffer de temps en temps sous peine de perdre mon âme.
Le contraste entre cette femme en peignoir d’organdi et la fille en robe de coton sale de Hailey Common était saisissant. S’il n’avait su la vérité, il aurait juré qu’une aristocrate lui faisait face : la façon dont elle se tenait, la douceur de son teint, ses intonations raffinées… Même en loques elle avait eu de la grâce, à présent elle était merveilleuse.
Elle se posa la question. Avait-elle réellement espéré, contre toute logique, qu’il la demanderait un jour en mariage ? Était-ce son rêve secret ? Autrefois peut-être, mais plus maintenant. La dernière étincelle de passion s’était éteinte en elle, elle n’éprouvait plus rien à son égard.
Ce qui manque le plus sur un chantier à des kilomètres de tout, c’est l’eau. On la garde pour la consommation, si bien qu’il n’en reste pas assez pour se laver ; les conditions de vie sont déjà assez dégradantes sans cela, et il faudrait vraiment trouver une solution…
Elle étincelait comme de l’or sur la pierre grise et il en resta coi. Sa beauté était à couper le souffle. Elle se mouvait avec une grâce et une aisance qui mettaient en valeur la cape de fourrure, qu’elle portait sur une robe à crinoline de lourde soie jaune. Son corsage soulignait sa taille fine. Son chapeau assorti était posé sur ses boucles cuivrées et encadrait son visage à l’expression tout à la fois malicieuse et pensive – inoubliable. Je dois vieillir, se dit-il, incapable de se souvenir où et quand il l’avait déjà rencontrée. Il souleva son haut-de-forme et lui souhaita le bonjour.
— Bonjour, monsieur le comte.
Elle sourit devant son air confus. Il leva alors la tête vers l’inscription surplombant la porte : McBryde. C’était donc Mme McBryde ! L’avocat, comme Caroline, avaient eu beau lui dire qu’elle avait fort bien réussi, cette élégance et cette assurance le laissaient bouche bée. Pourtant, il n’avait jamais vu cette veuve d’ouvrier, alors pourquoi son visage lui semblait-il si familier ? Il était sur le point d’avouer son ignorance quand elle rit en repoussant une mèche de son front : c’est dans la bibliothèque de Chevington House qu’il l’avait vue faire cela. La robe de corsage soulignait sa taille fine. Son chapeau assorti était posé sur ses boucles cuivrées et encadrait son visage à l’expression tout à la fois malicieuse et pensive – inoubliable.
Après lui avoir beaucoup appris, c’est lui qui tirait ses enseignements d’elle, à présent.
Il faut bien que quelqu’un se soucie de justice et de charité. Nous ne pouvons pas nous laver les mains de toute la méchanceté de ce monde.
La vie de Geoffrey était réglée comme une horloge ; une routine infaillible lui assurait de trouver un véhicule à chaque arrivée. Chacun de ses désirs était satisfait au moindre claquement de doigt. Pourquoi alors avait-il l’impression qu’il lui manquait quelque chose ? Quoi qu’il entreprenne, il avait envie de risquer toujours plus, de travailler plus que ses pairs. Sa femme ne le comprenait pas davantage qu’il ne se comprenait lui-même ; c’était difficile à expliquer.