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Critique de hcdahlem


Raphaëlle et Antoine, génération Y
Pour ses débuts en littérature, Lola Nicolle nous propose un portrait sensible et fouillé de la génération Y. En imaginant la relation entre Raphaëlle et Antoine, elle fait le constat de la difficulté à s'inventer un avenir.

Après deux recueils de poésie, Nous oiseaux de passage (Blancs Volants éditions, 2017) et Les Passagers du RER, (Les Arènes, 2019) ainsi qu'un album de lectures musicales, Les Liseuses (Sony Music), la boulimique Lola Nicolle – qui est en charge de la littérature française aux Éditions Delcourt – nous offre à 27 ans son premier roman dans lequel on sent le vécu.
C'est d'abord l'histoire d'une rencontre sur les bancs de la fac. Non, c'est d'abord la fin d'une histoire d'amour, comme le titre le suggère: «Pour toujours je te quittai. Tu as refermé la porte de l'appartement le 14 novembre très tôt dans la nuit. Et longtemps, j'ai entendu tes pas résonner dans les escaliers.»
En courts chapitres, la narratrice revient après cet épisode de rupture sur leur rencontre, sur la construction de leur belle histoire qui, on l'aura compris, finira mal, comme c'est le cas en général.
Ce qui rend le livre intéressant, ce sont les différentes strates qui le constituent et qui se complètent harmonieusement pour nous donner une image de cette génération Y si difficile à appréhender. La première strate est géographique, nous donnant à voir les lieux dans lesquels se meuvent Raphaëlle et Antoine. le quartier de Château-Rouge dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où vivent les amoureux, devient par exemple un élément essentiel de leur histoire et dont il deviendra très difficile de s'émanciper une fois la rupture consommée: «Si je ne jurais que par lui, alors peut-être que t'y installer te rapprocherait de moi. Ou plus encore, que le quartier me remplacerait. À moins que, craignant l'inconnu, tu choisisses de rester dans cet univers confortable que nous avions dompté, te le réapproprier. Mais plus vraisemblablement, tu aimais simplement y habiter. Tu cherchas longtemps un lieu idéal, préférant le canapé d'un ami à un endroit que tu n'aimerais pas, qui ne serait pas ici. Et tu finis par trouver.» Mais la géographie est aussi celle des escapades qui marquent leurs attaches familiales et leurs rêves, de Marseille à Enghien-les-Bains, et de la maison de campagne en Touraine à la ferme du Lubéron.
La seconde strate est celle de l'orientation, des aspirations professionnelles qui vont très vite se heurter à une dure réalité, à la précarité. «Nous étions en quête d'un absolu. Dans la recherche d'un sens que l'entreprise ne semblait guère pouvoir nous offrir. Nous l'avions remarqué: cette poursuite s'annonçait tout à fait illusoire. Alors, nous avions commencé à nous faire une raison. Et se faisant, on s'était demandé qui avait bien pu nous mettre cette idée en tête – que le travail avait un lien quelconque avec le bonheur. Qu'il s'obtiendrait contre une rémunération?»
Dans ce roman de formation, sur le passage dans l'âge adulte, la troisième strate, celle de la psychologie, de l'intime, est sans doute la plus passionnante. Ce qu'Annie Ernaux appelle joliment la «sociologie poétique» nous offre quelques surprises. On y découvre notamment que la lutte des classes ou, pour le moins, la comparaison entre les classes et leur héritage reste un marqueur puissant, tout comme la recherche de valeurs, de rites de passage forts. le mariage pouvant être ce «quelque chose qui serait assez solide pour nous définir». Aspiration vaine, là aussi, entre désillusion et espoir: «Et moi, je t'avais possédé jusqu'à t'acheter. Et toi, piégé, tu n'avais souhaité alors qu'une Chose, m'acheter en retour. Et alors que j'étais là, sur les épaules du dragon endormi de la ville, il m'apparut que la solution était là, juste sous nos yeux.
Il nous fallait réinventer la fête.»

Lien : https://collectiondelivres.w..
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