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Critique de moertzombreur


La peur de la réalité et son déchirement
L'écriture d'Anaïs Nin possède une force enivrante, elle vient d'une longue pratique quotidienne, la tenue de son journal touche au plus près de ses émotions et nous offre une « authenticité » que ne possède pas la fiction. Elle évoque la tromperie de la littérature : « on lit des livres et on s'attend à ce que la vie soit tout aussi pleine d'intérêt et d'intensité. Et, naturellement, elle ne l'est pas ».
Elle analyse avec acuité, sa recherche d'un amour totale, la passion dans ce qu'elle a de destruction et de changement, la souffrance de la jalousie, tout en se révoltant contre la vision traditionnelle du couple. Ce « laboratoire » des sens, ce révélateur du corps féminin et de ses désirs, précipite dans le « corps » du texte une quête identitaire qui bouleverse, encore aujourd'hui, le lecteur attentif. « le Journal est un produit de ma maladie, il en est peut-être une exagération, une accentuation. Je parle du soulagement que
j'éprouve en écrivant ; mais c'est aussi, peut-être, une manière de graver en moi la douleur, comme un tatouage ».
Elle apporte à Henry la possibilité d'être « entier », de ne plus se scinder en écrivain rayonnant d'un côté, et en homme, avec tous ses débordements et faiblesses, de l'autre. Anaïs est-elle un « démon » ? Un démiurge plutôt. Certains passages sont d'une sensualité, d'une crudité, débordante, pourtant elle fait cet aveu : « Mes mots ne sont pas assez profonds, assez barbares. Ils masquent, ils cachent. Je ne connaîtrai pas le repos avant d'avoir raconté ma descente au coeur d'une sensualité qui était aussi sombre, aussi magnifique, aussi sauvage que mes instants de création mystique étaient éblouissants, extatiques, exaltés ».
Anaïs est un « ange sexuel », un ange tout de même. Elle prend peur, mais découvre aussi un emprisonnement, une solitude au sein même de sa relation avec Hugo, la découverte que l'amour ne suffit pas, qu'elle devait à présent trouver en elle-même « tout le reste », et que tout ce qui pouvait germer en elle désormais, en-dehors et au-delà de cette séquestration, ne pouvait
plus s'arrêter de grandir. Elle recherche l'amour profond qui pourra la réconcilier avec son être, la libérer totalement, lui permettre d'être enfin « à la hauteur de la vie ». A partir de là, un retournement surprenant s'opère dans sa relation avec Henry qui dit dans une lettre : « Entre les mains d'une personne quelconque, le journal peut être considéré comme un simple refuge, comme une fuite devant la réalité, un miroir de Narcisse, mais Anaïs refuse de le laisser tomber dans ce cliché » ; « Je ne suis pas heureux, pas plus que je ne suis profondément malheureux ; j'éprouve une sorte de mélancolie triste que j'ai du mal à expliquer. Je te veux. Si tu me quittes maintenant, je suis perdu ».
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