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Critique de Madamedub


Alors qu'elle participe à une émission télévisée à Montréal, la journaliste de guerre Anne Nivat, a l'occasion de rencontrer le major canadien Pruneau qui propose de l' « embarquer » dans leur dernière mission en Afghanistan. Il espère que l'expérience journalistique de la guerre de la reporter puisse communiquer une vision différente à ses jeunes recrues militaires.

Participer à ce genre d'expédition est enrichissant à plusieurs niveaux pour la journaliste française, qui n'en n'est pas à son coup d'essai dans un pays en conflit. D'abord le système militaire canadien est assez éloigné de celui français, ou même encore américain.

Anne Nivat a traversé différents camps, de 2008 à 2011. Des FOB américaines, immenses camps dans le désert afghan, où les gardes des soldats sont entrecoupées de pauses fast food et salles de sports…Des FOB plus discrètes, plus exposées, où chaque sortie est rythmée sous la crainte de sauter sur un IED, ces engins explosifs bricolés à partir de téléphones portables déclenchables à distance.

Mais d'une base à une autre, l'impression qui demeure est une insurmontable incompréhension entre monde militaire et monde afghan. Malgré les tentatives diverses pour créer une coalition, le fossé demeure.

L'ANA, l'armée afghane, formée et entraînée par les armées occidentales, est un sujet qui continue de diviser. Pas assez efficace, infiltrée ou non par des terroristes talibans, difficilement intégrée aux villages dont elle doit assurer la sécurité, tous semblent émettre des doutes sur un avenir sécurisé en Afghanistan .

Et pourtant, avec un départ annoncé des forces occidentales du sol afghan, la dernière mission d'Anne Nivat est des plus compliquée.

Pour commencer, ce choix du titre, « brouillards de guerre », pour une situation des plus floues, où chacun continue de se méfier des ombres que peuvent dissimuler à tout moment la poussière du pays.

D'un chapitre à l'autre, la journaliste passe du costume traditionnel des femmes afghanes, à la tenue militaire, allant jusqu'à enlever son gilet pare-balle pour se glisser sous l'épais « châdri » afghan.

D'un côté à l'autre du « miroir », comme elle le dit, elle-même, Anne Nivat collecte des rencontres, certaines attendues, d'autre moins. Elle rencontre au fil des années, des missions, et des régions, ces hommes et ces femmes, qui habitent ces villages énigmatiques d'Afghanistan.

Les militaires lui confient leurs surprises : eux ne voient presque jamais de femmes, ou juste des ombres fugitives de tissus qui se dissimulent à leur regard.

Intrépide, Anne Nivat a tissé des contacts au fil des années, qui lui ont permis de rencontrer des politiciens, des hommes d'affaires, des villageois. D'étonnantes rencontres, des femmes qui essaient de faire changer les mentalités, des religieux intégristes…

D'un camp à l'autre, chacun essaie de tirer parti de la situation en plein bouleversement du pays.

Les talibans restent une crainte, un sujet ambivalent. Après une domination soviétique violente et répressive dans le pays, les talibans s'étaient imposés, comme le symbole du retour à l'autonomie du pays, que paradoxalement ils représentent toujours avec la menace de l'ingérence étrangère. A la fois protecteurs et menace, ils sont l'alternative à une présence militaire imposante, mais également enrichissante. Nombre de familles ont pu profiter des contrats de reconstruction du pays avec des états étrangers. Cet entrelacement entre conflits et intérêts crée une situation complexe et floue.

Pour ne rien arranger, Anne Nivat souligne la difficulté de la situation des soldats eux-mêmes, qui, envoyés souvent sans réellement comprendre le contexte et les enjeux de la situation, ne sont pas soutenu par l'opinion populaire de leur pays (particulièrement en France).

Que l'on soit donc favorable ou non à l'intervention militaire, force est de constater que la confusion de la situation n'est pas prête de s'éclaircir.

Face à des puissances occidentales constituées en Etat-Nation depuis des siècles, la situation tribale de l'Afghanistan appartient à un autre paradigme culturel.

Est-ce qu'entre les deux côtés du miroir le passage est définitivement impossible ?

La réponse n'est pas aisée.

Non, si l'on regarde les échecs et la difficulté de la situation militaire. Après de nombreuses pertes humaines, scandales et incertitudes, même la meilleure des volontés, celle du major Pruneau par exemple, qui déploie trésor d'ingéniosité pour créer des liens de confiance avec la population, semble insuffisante à créer un vrai rapport honnête entre les deux camps. Les deux armées, l'ANA et les armées occidentales, demeurent aussi distantes et opaques l'une à l'autre, que le serait deux armées rivales.

Oui, si l'on suit le parcours d'Anne Nivat, qui, pourfendant la difficulté de sa condition féminine dans un pays bien loin de l'équité des sexes, parvient à nouer des rapports de confiance et d'amitié avec une population désireuse de vivre en paix et d'être respectée pour ce qu'elle est.

Reste le sentiment persistant des ces « brouillards de guerre », ou l'impossible confrontation des cultures dès lors que l'enjeu des conflits militaires et politiques nuisent à une réelle construction du tissu social.

Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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