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Critique de Maldoror


Drôle de pari que d'avoir voulu méditer aujourd'hui sur la vie d'une sainte mystique du 12e siècle, docteur de l'Eglise depuis près d'un an (excusez du peu), et d'avoir voulu partager le choc de cette rencontre. Car, présenté ainsi, ça pourrait ne pas faire très envie et ne pas promettre le succès de librairie. Il y a en effet plein de gros mots qui sentent l'eau bénite (équivalent contemporain de l'ail pour les vampires) ou la naphtaline (équivalent moins contemporain de GTA2 pour nos otakus d'ados facebookés) : méditer, sainte, mystique, 12e siècle, Eglise... En outre, on se doute que ce n'est pas non plus un livre de fantasy et que donc la rencontre ne s'est pas faite dans des failles de l'espace-temps ou lors d'une visite guidée aux Enfers par Hadès en personne ou dans des rêves hypnotiques sous l'emprise d'un chamane amazonien aveugle ou avec un fantôme quelconque. Alors, d'où vient donc le fait que ce livre ne se soit retrouvé dans le rayon bondieuserie d'aucune librairie, ni dans le stand livres de toute paroisse ? Parce qu'il ne faut pas oublier le mot "choc". En effet, le texte exalté montre que l'émotion de cette rencontre avec celle que l'auteure appelle H., Hildegarde de Bingen de son petit nom, est de l'ordre de la fascination.

Cette attirance n'est pas d'abord admiration pour ses nombreux talents : religieuse, écrivain, poétesse, compositrice, médecin, botaniste, minéralogiste, conseiller des puissants, linguiste... et on aurait pu déjà s'arrêter là. Mais, Lorette Nobécourt a avant tout flashé sur la femme qui a pu être tout cela à la fois, et surtout sur ce dont sa vie témoigne. En effet, elle ressent que ce que porte cette vie, correspond depuis toujours à de fortes aspirations de la sienne.

Et pourtant le rapport entre une journaliste contemporaine, écrivain, mariée, mère de famille et une religieuse cloîtrée du Moyen-Âge semble aussi évident que la présence actuelle des Ecolos au Gouvernement. Eh bien, malgré cela, les deux femmes communient autour de leur appréhension de la liberté et de sa signification pratique dans le contexte de leurs vies. L'auteure la voit comme l'expression de la vie du Cosmos – la viridité selon les mots de H. – et sa participation à celle-ci. Ainsi pour en vivre, pour permettre de découvrir la beauté de cette vie, elle comprend que la condition nécessaire est l'insoumission à un certain ordre établi et à tout schéma de pensée et d'action, et que H. a fondamentalement exprimé cet anticonformisme toute sa vie durant. Dans le même temps, notre écrivaine prend acte du paradoxe que pour H. les conditions de la liberté, de l'insoumission sont celles d'un couvent où elle vivait recluse, celles de sa soumission à Dieu, celles de la foi vivante et vécue qui va au-delà de la croyance et du dogmatisme. Elle fait même de tout ce contexte le terreau favorable ("cette liberté d'être contraints"). Et c'est donc abritée dans cette clôture des merveilles, placée sous ce regard divin et plongée dans cette foi que cette conscience de la vie, de l'amour et de la beauté absolues a pu croître et s'épanouir.

Pour exprimer la profonde humanité de cette expérience singulière, Lorette Nobécourt s'est tenu éloignée du discours de la religiosité ou de la théologie. Mais, un peu à l'instar de H. qui a été jusqu'à inventer sa propre langue, seules l'expression et la verve toutes poétiques du livre étaient en mesure de transcrire tout le mystère et l'indicible de cette vie, et ont permis de rendre encore plus palpable l'émotion de cette rencontre, d'entraîner le lecteur dans l'extraordinaire de celle-ci.

Et finalement, l'origine de notre fascination est sûrement à trouver dans l'écho à toutes nos recherches de sens. En effet, le livre et son sujet nous confirment que nous continuons à être attirés par les mêmes idéaux de beau, de vrai, de bien, et à en chercher compulsivement les sources.

Au bout du compte, il est quand même étrange et sûrement peu glorieux qu'il faille remonter 9 siècles en arrière pour renouer certains fils de notre humanité. Avons-nous ainsi atteint le summum du syndrome « c'était mieux avant » ? Mais après tout peu importe, adoptons maintenant l'Httitude : « sur le branischiaz de nos vies, tels des larchizins, des korzinthios, comme H., écrivons la langue d'Aigonz ! » *



* ce qui signifie en petit H. illustré : sur le parchemin de nos vies, tels des scribes, des prophètes, comme H., écrivons la langue de Dieu.
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