Chahine se disait " élève de la rue". En bon arménien, il l'observe d'un oeil d'aigle, mais au fond, il est un badaud oriental. Il prend son temps et décèle les détails transparents au passant pressé. Il n'abandonne jamais un sujet avant d'en avoir examiné, à la loupe, toutes les potentialités. (p. 31)
(...) Ces lignes lumineuses de Camille Mauclair : A Venise, Chahine a tenu la gageure d'être original, après mille graveurs et Whistler qui les éclipsa tous. Là, comme dans le reste de l'Italie, il a montré sa faculté d'élire des aspects non remarqués (...) Il a laissé la Venise de luxe aux esthètes et aux cosmopolites, il a regardé, il a aimé la Venise pauvre, la vraie, et les femmes qui vivent dans cette pauvreté. (p. 89)
Edgar Chahine maniait également, en virtuose, comme beaucoup d'artistes de son époque, le fusain, les crayons de couleurs, le pastel, les lavis d'encre, originellement l'huile, puis la peinture a tempera. Cette aisance ou domination absolue d'une telle diversité de mediums est une des clés de la fraîcheur de son oeuvre. Le même sujet peut être décliné en dessin, gravure et illustration de livre d'art, ou bien du dessin au crayon au lavis d'encre avant d'être gravé en plusieurs états, d'où une transversalité d'une saisissante modernité de ses thèmes sans cesse métamorphosés et affinés... (p. 10)